NATIONS
UNIES

EP

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Programme des
Nations Unies
Distr.
GENERALE

UNEP/POPS/INC.1/INF/10
15 juin 1998

ORIGINAL: ANGLAIS

COMITE DE NEGOCIATION INTERGOUVERNEMENTAL
CHARGE D'ELABORER UN INSTRUMENT INTERNATIONAL
JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANT VISANT UNE ACTION
INTERNATIONALE CONCERNANT CERTAINS POLLUANTS
ORGANIQUES PERSISTANTS

Première session
Montréal, 29 juin - 3 juillet 1998
Point 4 de l'ordre du jour provisoire

 

ELABORATION D'UN INSTRUMENT INTERNATIONAL JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANT
AUX FINS DE L'APPLICATION DE MESURES INTERNATIONALES CONCERNANT
CERTAINS POLLUANTS ORGANIQUES PERSISTANTS

Rapport d'évaluation sur certains polluants organiques persistants,
élaboré par le Programme international sur la sécurité
des substances chimiques

Note du secrétariat

Le secrétariat a l'honneur de transmettre au Comité de négociation intergouvernemental, en annexe à la présente note, un rapport d'évaluation sur le DDT, l'aldrine, la dieldrine, l'endrine, le chlordane, l'heptachlore, l'hexachlorobenzène, le mirex, le taxophène, les biphényles polychlorés, les dioxines et les furannes, établi par le secrétariat du Programme international sur la sécurité des substances chimiques, dans le cadre du Programme interorganisations de gestion écologiquement rationnelle des produits chimiques.

 

LES POLLUANTS ORGANIQUES PERSISTANTS

Rapport d'évaluation
DDT-aldrine-dieldrine-endrine-chlordane
Heptachlore-hexachlorobenzène
Mirex-toxaphène
Biphényles polychlorés
Dioxines et furanes

Rédigé par :
L. Ritter, K.R. Solomon, J. Forget
Réseau canadien des centres de toxicologie
620, rue Gordon
Guelph (Ont.), Canada

et

M. Stemeroff et C. O'Leary
Deloitte and Touche Consulting Group
98, rue Macdonell, Guelph (Ont.), Canada

 

Pour :

Le Programme international sur la sécurité des substances chimiques (PISSC) dans le cadre du Programme interorganisations de gestion écologiquement rationnelle des produits chimiques (IOMC)

Le présent rapport est présenté à l'intention du Programme international sur la sécurité des substances chimiques (PISSC), dans le cadre du Programme interorganisations de gestion écologiquement rationnelle des produits chimiques (IOMC).

Le rapport ne reflète pas nécessairement les décisions ou la politique établie du Programme des Nations Unies pour l'environnement, de l'Organisation internationale du travail ou de l'Organisation mondiale de la santé.

Le Programme international sur la sécurité des substances chimiques (PISSC) est une entreprise mixte du Programme des Nations Unies pour l'environnement, de l'Organisation internationale du travail et de l'Organisation mondiale de la santé. Le principal objectif du PISSC est d'effectuer et de diffuser des évaluations des effets des substances chimiques sur la santé humaine et la qualité de l'environnement. Les activités connexes sont la mise au point de diverses méthodes épidémiologiques, expérimentales et d'évaluation des risques, des méthodes permettant d'obtenir des résultats comparables à l'échelle internationale, et le développement de ressources humaines dans le domaine de la sécurité des substances chimiques. Le PISSC s'occupe également du développement de savoir-faire pour faire face aux incidents impliquant des substances chimiques, de l'amélioration des capacités de prévention, de réaction et de suivi dans ces cas, de la coordination des essais en laboratoire et des études épidémiologiques, ainsi que de la promotion de la recherche sur les mécanismes d'action biologique des substances chimiques.

Le Programme interorganisations de gestion écologiquement rationnelle des produits chimiques (IOMC) a été créé en 1995 par le PNUE, l'OIT, la FAO, l'OMS, l'ONUDI et l'OCDE (organismes participants), à la suite d'une recommandation faite lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, en 1992, en vue d'accroître la coopération et la coordination internationale dans le domaine de la sécurité des substances chimiques. L'IOMC a pour objet de promouvoir la coordination des politiques et des activités instituées par les organismes participants, ensemble ou séparément, en vue d'assurer une saine gestion des substances chimiques en rapport avec la santé humaine et l'environnement.

Le présent document n'est pas une publication officielle de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et tous les droits sont réservés par l'Organisation.

Les opinions exprimées dans les documents cités appartiennent uniquement à leurs auteurs.

Préface

Lors de sa neuvième réunion, en mai 1995, le Conseil d'administration du PNUE a adopté la décision 18/32 concernant les polluants organiques persistants. La décision invite le Programme interorganisations de gestion écologiquement rationnelle des produits chimiques (IOMC), en collaboration avec le Programme international sur la sécurité des substances chimiques (PISSC) et le Forum intergouvernemental sur la sécurité chimique (FISC), à engager un processus d'évaluation sur les polluants organiques persistants (POP). Dans le cadre de ce processus, on doit d'abord commencer par une série de 12 substances et on doit réunir les informations existantes sur les propriétés chimiques et toxicologiques pertinentes, le transport et l'élimination de ces substances, ainsi que sur la disponibilité et les coûts de substances de remplacement. On envisagera également des stratégies de parade, des politiques et des mécanisme réalistes visant à réduire et/ou à éliminer les émissions, les rejets et les autres pertes de ces substances. Le FISC se servira de ces informations pour formuler des recommandations sur des mesures internationales éventuelles qui pourraient être étudiées à la session du Conseil d'administration du PNUE et de l'Assemblée mondiale de la santé, en 1997.

Le PISSC, en consultation avec les organismes participants à l'IOMC, a engagé la phase initiale de ce travail, soit la réunion de l'information existante sur les propriétés chimiques et toxicologiques, les mécanismes de transport, ainsi que sur l'origine, le transport et l'élimination des substances concernées. On mentionne également brièvement les renseignements disponibles sur les coûts et les avantages associés aux produits de remplacement et sur les aspects socio-économiques de la question. Ce travail se fonde sur des activités en cours, comme les travaux importants réalisés dans le cadre de la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance et de la Réunion d'experts internationaux sur les POP parrainée par le Canada et les Philippines.

Le présent rapport d'évaluation est une version abrégée d'un document complémentaire intitulé * A Review of the Persistent Organic Pollutants: DDT, Aldrin, Dieldrin, Endrin, Chlordane, Heptachlor, Hexachlorobenzene, Mirex, Toxaphene, Polychlorinated Biphenyls, Dioxins and Furans + (PCS 95.39). Le rapport d'évaluation renferme les questions et faits essentiels, mais les références ont été omises pour en faciliter la lecture. Le lecteur qui aurait besoin de plus d'informations et des références pourra consulter le document plus volumineux susmentionné, lequel peut être fourni sur demande.

Une ébauche du présent rapport d'évaluation a été présentée à titre de document d'information à la Conférence intergouvernementale sur la protection de l'environnement marin contre les effets des activités terrestres, tenue à Washington, D.C., du 23 octobre au 3 novembre 1995. La version finale du rapport d'évaluation a été présentée à titre de document de référence à la seconde réunion du groupe intersessionnel du FISC, qui a eu lieu en mars 1996. Ce document servira à élaborer un plan de travail destiné à achever l'évaluation du processus prévu dans la décision du Conseil d'administration du PNUE.

TABLE DES MATIÈRES

1 INTRODUCTION 7

2. PROPRIÉTÉS ET COMPORTEMENT DES POLLUANTS ORGANIQUES PERSISTANTS DANS L'ENVIRONNEMENT 8

3. PROPRIÉTÉS CHIMIQUES ET TOXICOLOGIQUES 10

3.1 PROPRIÉTÉS CHIMIQUES 10

3.2 PROPRIÉTÉS TOXICOLOGIQUES 11

3.2.1 Environnement 11

3.2.2 Santé humaine 12

4 TRANSPORT ET DEVENIR DES POLLUANTS ORGANIQUES PERSISTANTS DANS L'ENVIRONNEMENT 14

4.1 PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES ET DISTRIBUTION DES POP DANS L'ENVIRONNEMENT 15

4.2 INFLUENCES DE L'ENVIRONNEMENT SUR LA PERSISTANCE, LE MOUVEMENT ET LE DÉPÔT DES POP 15

4.3 DÉPÔT 16

5 UTILISATIONS, SOURCES ET PRODUITS DE REMPLACEMENT 17

5.1 INTRODUCTION 17

5.2 UTILISATIONS ET SOURCES DES POLLUANTS ORGANIQUES PERSISTANTS 18

5.3 PRODUITS DE REMPLACEMENT DES POLLUANTS ORGANIQUES PERSISTANTS 18

5.4 ENTRAVES À L'ADOPTION DES TECHNOLOGIES DE REMPLACEMENT 21

6. PROFILS DES POP 22

6.1 ALDRINE 22

6.2 CHLORDANE 24

6.3 DDT 27

6.4 DIELDRINE 31

6.5 POLYCHLORODIBENZO-p-DIOXINES ET POLYCHLORODIBENZOFURANES 34

6.6 ENDRINE 38

6.7 HEXACHLOROBENZÈNE 40

6.8 HEPTACHLORE 43

6.9 MIREX 46

6.10 BIPHÉNYLES POLYCHLORÉS 48

6.11 TOXAPHÈNE 52

7. CONCLUSIONS 54

 

1 INTRODUCTION

Les polluants organiques persistants (POP) sont des composés organiques qui, à des degrés divers, résistent à la dégradation photolytique, biologique et chimique. Les POP sont souvent halogénés et se caractérisent par une faible solubilité dans l'eau et une solubilité élevée dans les lipides, ce qui entraîne leur bioaccumulation dans les tissus adipeux. Ils sont également semi-volatils, ce qui leur permet de se déplacer sur de longues distances dans l'atmosphère avant de se déposer.

Il existe de nombreuses formes différentes de POP, tant naturelles qu'anthropiques, mais les POP réputés pour leur persistance et leur bioaccumulation comprennent un grand nombre des insecticides organochlorés de la première génération, comme la dieldrine, le DDT, le toxaphène et le chlordane, ainsi que plusieurs produits ou sous-produit chimiques industriels, notamment les biphényles polychlorés (BPC), les dibenzo-p-dioxines (dioxines) et les dibenzo-p-furanes (furanes). Nombre de ces composés ont été ou continuent d'être utilisés en grandes quantités et, en raison de leur persistance dans l'environnement, ils peuvent être bioaccumulés et bioamplifiés. Certains de ces composés, les BPC par exemple, peuvent persister dans l'environnement pendant des années et être bioconcentrés par des facteurs pouvant atteindre 70 000.

Les POP sont également remarquables par leur semi-volatilité, une propriété physico-chimique qui leur permet d'exister sous forme de vapeur ou adsorbés sur des particules dans l'atmosphère, ce qui facilite leur transport sur de longues distances dans l'atmosphère.

Leur persistance et leur semi-volatilité inhabituelles, associées à d'autres de leurs propriétés, font que des composés comme les BPC se retrouvent partout sur la planète, même dans des régions où ils n'ont jamais été utilisés. Les POP son omniprésents. On en trouve des quantités mesurables sur tous les continents, dans toutes les zones climatiques principales et dans tous les secteurs géographiques importants. Cela comprend des régions isolées comme en pleine mer, dans les déserts, dans l'Arctique et l'Antarctique, où il n'existe aucune source locale significative et où la seule explication logique de leur présence est le transport sur de longues distances à partir d'autres parties du globe. On a signalé la présence de BPC dans l'air à des concentrations pouvant atteindre 15 ng/m3, et ce dans toutes les parties du monde; dans les pays industrialisés, les concentrations peuvent être supérieures de plusieurs ordres de grandeur. On a également signalé la présence de BPC dans la pluie et la neige.

Les POP appartiennent à deux sous-groupes importants : les hydrocarbures aromatiques polycycliques et les hydrocarbures halogénés. Ce dernier groupe comprend plusieurs composés organochlorés qui sont considérés depuis longtemps comme les plus résistants à la dégradation et qui ont été produits, utilisés et rejetés en grandes quantités. Ces dérivés chlorés sont généralement les plus persistants de tous les hydrocarbures halogénés. En général, on sait que plus les BPC comportent d'atomes de chlore, plus ils ont tendance à s'accumuler; de même, les BPC les moins chlorés sont plus faciles à métaboliser et à excréter.

Les humains peuvent être exposés aux POP par leur alimentation, des accidents du travail et l'environnement (y compris à l'intérieur). L'exposition aux POP, qu'elle soit aiguë ou chronique, peut être associée à une foule d'effets nocifs, et même à des maladies et à la mort.

Des recherches en laboratoire et des études d'impact sur l'environnement naturel ont associé les POP à la perturbation du système endocrinien, au dérèglement de la fonction de reproduction et du système immunitaire, à des troubles neurocomportementaux et au cancer. Plus récemment, certains POP ont également été associés à une baisse de l'immunité chez les enfants et à une augmentation concomitante des infections, à des anomalies du développement, à des troubles neurocomportementaux, ainsi qu'au cancer et à l'induction ou à la promotion de tumeurs. Certains auteurs considèrent également que des POP peuvent représenter un facteur de risque important dans l'apparition du cancer du sein chez les humains.

  1. PROPRIÉTÉS ET COMPORTEMENT DES POLLUANTS ORGANIQUES PERSISTANTS DANS L'ENVIRONNEMENT
  2. Le comportement et le devenir des substances chimiques dans l'environnement dépendent de leurs propriétés chimiques et physiques et de la nature de l'environnement. Les propriétés chimiques et physiques sont déterminées par la structure de la molécule et par les atomes qui la composent. Ces propriétés physiques et chimiques varient énormément selon la structure de la molécule. Des composés peuvent être très peu persistants, peu toxiques et rester immobiles, et donc peu susceptibles de présenter un risque pour l'environnement ou la santé humaine. Par contre, à l'autre extrémité du spectre, il y a des composés persistants, mobiles et toxiques, auxquels appartiennent les POP toxiques et lipophiles. Le comportement dans l'environnement et l'exposition sont intimement liés. Par conséquent, le risque d'exposition à une substance sera beaucoup plus faible si la substance n'est pas persistante, et le risque, le cas échéant, sera localisé à moins que les propriétés de la substance lui permettent de se déplacer sur de longues distances.

     

    PROBABILITY ' PROBABILITÉ

    ADVERSE EFFECTS ' EFFETS NOCIFS

    Figure 1 Représentation graphique des interactions entre la toxicité, l'exposition et la probabilité d'exposition

    Il faut admettre que relativement peu de substances ont les propriétés nécessaires pour être classées comme des POP. En fait, si l'on représentait ces propriétés sous forme de diagramme de distribution, seuls les composés situés aux extrêmes de cette distribution présenteraient le degré de persistance, de mobilité et de toxicité nécessaire pour être rangées dans les POP (Figure 2).

    Certaines substances peuvent être très persistantes dans l'environnement (c.-à-d. présentant des demi-vies (t2) supérieures à 6 mois). La nature de cette persistance doit être précisée il s'agit du temps que le composé demeure dans l'environnement avant d'être décomposé ou dégradé en d'autres substances moins dangereuses. La dissipation est la disparition d'une substance qui résulte d'au moins deux processus, soit la dégradation et la mobilité. La dissipation n'est pas une mesure appropriée de la persistance, car la mobilité d'une substance peut faire en sorte qu'elle soit simplement transportée ailleurs, à des endroits où elle peut exercer des effets néfastes si sa concentration atteint un seuil critique.

    L'une des propriétés importantes des POP est leur semi-volatilité. Cette propriété leur confère un degré de mobilité suffisant leur permettant d'atteindre des concentrations relativement grandes dans l'atmosphère et d'être transportés sur de longues distances. Cette volatilité moyenne ne conduit pas la substance à rester en permanence dans l'atmosphère où elle ne présenterait directement que peu de risques pour les humains et les organismes dans l'environnement. En effet, ces substances peuvent se volatiliser dans des régions chaudes, puis se condenser et se déposer dans des régions plus froides. Les substances présentant cette propriété sont habituellement fortement halogénées, ont un poids moléculaire compris entre 200 et 500 g/mole et une pression de vapeur inférieure à 1 000 Pa.

     

    POPS = POP

    Frequency = Fréquence

    Mobility = Mobilité

    Toxicity = Toxicité

    Low = Faible

    High = Élevée

    Figure 2 Illustration montrant l'ensemble des propriétés qui font d'une substance un polluant organique persistant préoccupant.

     

    Pour se concentrer dans les organismes présents dans l'environnement, les POP doivent également avoir une autre propriété qui leur permet de se déplacer dans les organismes. Cette propriété est la lipophilie ou la tendance à se dissoudre de préférence dans les graisses et les lipides plutôt que dans l'eau. Une lipophilie élevée permet aux substances d'être bioconcentrées dans les organismes à partir du milieu environnant. Associée à la persistance dans l'environnement et à la résistance à la biodégradation, la lipophilie est également à l'origine d'une bioamplification par la chaîne alimentaire. La bioamplification se traduit par une exposition beaucoup plus grande des organismes qui se situent au sommet de la chaîne alimentaire.

  3. PROPRIÉTÉS CHIMIQUES ET TOXICOLOGIQUES

3.1 PROPRIÉTÉS CHIMIQUES

Les POP sont, par définition, des composés organiques très résistants à la dégradation par des processus biologiques, photolytiques ou chimiques. Les POP sont souvent halogénés, le plus souvent chlorés. La liaison carbone-chlore est très stable et résiste à l'hydrolyse. En outre, plus la molécule comporte d'atomes de chlore et d'autres groupements fonctionnels, plus elle est résistante à la dégradation biologique et photolytique. Le chlore fixé à un noyau aromatique (benzène) est plus difficile à hydrolyser que le chlore fixé à une chaîne aliphatique. Ainsi, les POP chlorés ont habituellement des structures cycliques comportant des chaînes ramifiées ou non. En raison de leur degré élevé d'halogénation, les POP sont très peu solubles dans l'eau et très solubles dans les lipides, ce qui leur permet de traverser facilement la structure phospholipidique des membranes biologiques et de s'accumuler dans les graisses.

Les hydrocarbures halogénés constituent un groupe important de POP, dont les organochlorés sont de loin le sous-groupe le plus important. Les dioxines et les furanes, les BPC, l'hexachlorobenzène, le mirex, le toxaphène, l'heptachlore, le chlordane et le DDT sont tous des hydrocarbures halogénés. Ces substances se caractérisent par leur faible solubilité dans l'eau et leur solubilité élevée dans les lipides et, comme de nombreux POP, elles se distinguent par leur persistance dans l'environnement, leur longue demi-vie et leur capacité de bioaccumulation et de bioamplification dans les organismes une fois qu'ils sont dispersés dans l'environnement.

Bien qu'il existe certaines sources naturelles d'organochlorés, la plupart des POP proviennent presque totalement de sources anthropiques associées en grande partie à la fabrication, à l'utilisation et à l'élimination de certaines substances organiques. Par contre, l'HCB, les dioxines et les furanes sont formés involontairement dans le cadre d'une foule de procédés de fabrication et de combustion.

Comme on l'a déjà souligné, les POP sont habituellement des composés semi-volatils, une propriété qui favorise le transport de ces substances sur de longues distances dans l'atmosphère. La volatilisation peut se produire à partir des végétaux et du sol sur lesquels on a appliqué des POP sous forme de pesticides.

Les composés organiques halogénés, et notamment les organochlorés, sont devenus incontournables dans notre société. En effet, l'industrie chimique les utilise pour produire toute une gamme de produits : chlorure de polyvinyle (millions de tonnes par année), solvants (plusieurs centaines de milliers de tonnes), pesticides (dizaines de milliers de tonnes), produits chimiques et pharmaceutiques spéciaux (milliers de tonnes à quelques kilogrammes). En outre, des sources anthropiques et naturelles sont également à l'origine de la production de sous-produits et d'émissions indésirables qui se caractérisent souvent par leur persistance et leur résistance à la dégradation (les dioxines chlorées par exemple). Comme on l'a déjà signalé, les organochlorés présentent toute une gamme de propriétés physico-chimiques. Dans l'environnement, les organochlorés peuvent être transformés par divers processus microbiologiques, chimiques et photochimiques. L'efficacité de ces processus dans l'environnement varie grandement en fonction des propriétés physico-chimiques des composés et des caractéristiques du milieu récepteur.

Les hydrocarbures chlorés aromatiques cycliques de type cyclodiène et de type cyclobornane, comme certains pesticides chlorés, dont le poids moléculaire dépasse 236 g/mole, se distinguent par leur capacité de s'accumuler dans les tissus biologiques, et notamment de se concentrer dans les organismes qui occupent les plus hauts niveaux trophiques; il n'est donc pas surprenant que ces composés soient également réputés pour leur persistance dans l'environnement. Les composés appartenant à cette catégorie ont souvent des propriétés physico-chimiques similaires et comprennent les pesticides organochlorés les plus anciens comme le DDT, le chlordane, le lindane, l'heptachlore, la dieldrine, l'aldrine, le toxaphène, le mirex et le chlordécone. Par contre, les hydrocarbures chlorés de plus faible poids moléculaire (PM inférieur à 236 g/mole) comprennent un certain nombre d'alcanes et d'alcènes (dichlorométhane, chloropicrine, chloroforme) qui sont souvent associés à une faible toxicité aiguë, à des effets toxiques réversibles et à des demi-vies relativement courtes dans l'environnement et les organismes vivants. La biodisponibilité, c'est-à-dire la proportion de la concentration totale de la substance qui peut être absorbée par un organisme, dépend de certaines propriétés chimiques de la substance et du milieu ambiant et de caractéristiques morphologiques, biochimiques et physiologiques de l'organisme lui-même.

En général, l'excrétion d'un polluant organique est facilitée par sa transformation métabolique en des formes plus polaires. Étant donné leur résistance à la dégradation, les POP ne sont pas facilement excrétés, et les polluants qui résistent le plus au métabolisme et à l'élimination (p. ex. le toxaphène, les BPC, etc.) ont tendance à s'accumuler dans les organismes et dans la chaîne alimentaire. Certains polluants organiques peuvent notamment être transformés en des métabolites plus persistants que le composé d'origine, comme dans le cas du DDT qui se transforme en DDE. Notons également la transformation rapide de l'aldrine en dieldrine, un métabolite extrêmement persistant dans l'environnement.

3.2 PROPRIÉTÉS TOXICOLOGIQUES

3.2.1 Environnement

On retrouve presque toujours certains POP dans les tissus ou les échantillons prélevés dans l'environnement. Comme c'est le cas avec de nombreux polluants présents dans l'environnement, il est extrêmement difficile d'attribuer directement la cause d'une affection ou d'une maladie à l'exposition à un polluant organique persistant ou à un groupe de POP. Cette difficulté est amplifiée par le fait qu'il est peu fréquent d'observer un POP isolé et que les études sur le terrain permettent rarement de recueillir les preuves suffisantes pour attribuer la cause d'une maladie à ce POP et à lui seul. Bien plus, le caractère lipophile prononcé de ces composés fait qu'ils sont susceptibles de s'accumuler, de persister et d'être bioconcentrés jusqu'à atteindre des concentrations toxiques, alors même que l'exposition pouvait sembler limitée au départ.

Sur le plan expérimental, les POP ont été associés à des effets importants dans l'environnement, sur une gamme étendue d'espèces et à presque tous les niveaux trophiques. Les effets aigus d'une intoxication par des POP sont bien documentés, mais les effets nocifs associés à une faible exposition chronique dans l'environnement sont particulièrement préoccupants. À remarquer notamment dans ce contexte la longue demi-vie des POP dans les organismes vivants qui facilite l'accumulation de concentrations apparemment faibles au cours d'une longue période. Pour certains POP, on possède des preuves expérimentales que de faibles expositions répétées peuvent être associées à des effets chroniques non mortels, notamment des effets immunotoxiques, des effets cutanés, une altération de la fonction de reproduction et un effet cancérogène manifeste.

Plusieurs auteurs ont signalé une immunotoxicité associée à l'exposition à différents POP. Des chercheurs ont montré qu'un dysfonctionnement immunitaire était la cause plausible d'un accroissement de la mortalité chez des mammifères marins et qu'une alimentation renfermant des polluants organiques persistants pouvait entraîner des carences en vitamines et une insuffisance thyroïdienne accompagnées d'une sensibilité accrue aux infections microbiennes et de troubles de la reproduction chez des phoques. Des chercheurs ont également signalé qu'un certain nombre de POP courants, comme les TCDD, les BPC, le chlordane, l'HCB, le toxaphène et le DDT, provoquaient une immunodéficience chez diverses espèces sauvages.

Une exposition à des POP a été corrélée à une décroissance de la population chez un certain nombre de mammifères marins, notamment le phoque commun, le marsouin commun, le souffleur et le béluga du fleuve Saint-Laurent. À remarquer qu'une relation évidente de cause à effet a été établie entre l'échec de la reproduction du vison et l'exposition à certains POP.

Dans la littérature scientifique, on a montré une relation directe de cause à effet chez le vison et le furet entre une exposition aux BPC et un dysfonctionnement immunitaire, l'échec de la reproduction, une mortalité accrue des petits, des malformations et la mortalité chez les adultes. De même, des chercheurs ont également montré une corrélation probante entre les concentrations de BPC et de dioxines dans l'environnement et une viabilité réduite des larves de plusieurs espèces de poissons. Il convient également de souligner un rapport indiquant une altération importante de la fonction de reproduction chez certaines espèces décrites comme des prédateurs au sommet de la chaîne alimentaire aquatique des Grands Lacs. À l'appui de cette observation, mentionnons que des espèces sauvages, y compris des carcasses échouées de bélugas du Saint-Laurent, présentant une incidence élevée de tumeurs, renfermaient des concentrations significativement élevées de BPC, de mirex, de chlordane et de toxaphène. L'incidence des lésions thyroïdiennes chez les saumons coho, rose et quinnat capturés dans les Grands Lacs au cours des deux dernières décennies a également été associée dans tous les cas à une augmentation de la teneur de l'organisme en POP.

3.2.2 Santé humaine

Comme on l'a fait observer pour les effets sur l'environnement, il est également très difficile d'établir des relations de cause à effet entre l'exposition aux POP et l'apparition d'une maladie. Comme les espèces sauvages, les humains sont exposés à toute une gamme de substances dans l'environnement, et souvent à un mélange de ces substances à la fois. Il reste beaucoup de travail à faire dans l'étude des effets de l'exposition aux POP sur la santé humaine, notamment eu égard à la gamme étendue de substances auxquelles les humains sont exposés en même temps

La masse des données scientifiques indique que certains POP peuvent avoir des effets néfastes importants sur la santé humaine, tant au niveau local, qu'au niveau régional et planétaire, à cause du transport de ces POP sur de longues distances.

Dans le cas de certains POP, une forte exposition dans le cadre du travail et d'incidents est préoccupante pour les travailleurs, que l'exposition soit aiguë ou chronique. Le risque est plus grand dans les pays en développement où l'utilisation de POP dans l'agriculture sous les tropiques a causé un grand nombre de décès et de lésions. Outre les autres voies d'exposition, l'exposition des travailleurs aux POP durant la gestion des déchets est une source importante de risque professionnel dans de nombreux pays. Une exposition à court terme à des concentrations élevées de certains POP a causé des maladies et la mort. Par exemple, une étude aux Philippines a montré qu'en 1990, l'endosulfan a été la première cause d'intoxication aiguë liée aux pesticides chez les producteurs de riz de subsistance et les applicateurs de pesticides sur les mangues. Il est souvent difficile de réduire l'exposition des travailleurs et des tiers (personnes exposées par hasard ou vivant dans le voisinage) à des substances chimiques toxiques dans les pays en développement. Les obstacles à la gestion de l'exposition au travail viennent en partie de la formation inadéquate ou inexistante, de l'absence de matériel de sécurité et de conditions de travail inférieures aux normes. En outre, les préoccupations résultant de l'exposition des tiers sont difficiles à cerner à cause de l'insuffisance de la surveillance de l'environnement et de l'incohérence de la surveillance médicale, des diagnostics, des rapports et des traitement. Ces facteurs contribuent à l'absence de données épidémiologiques. Parmi les plus anciens rapports d'exposition à des POP traitant des effets sur la santé humaine, mentionnons un épisode d'intoxication à l'HCB dans des aliments, dans le sud-est de la Turquie, qui a causé la mort de 90 % de ceux qui ont été exposés et l'apparition de cirrhose hépatique, de porphyrie et de troubles urinaires, arthritiques et neurologiques chez les autres. Lors d'un autre incident en Italie, en 1976, la libération de 2,3,7,8-TCDD dans l'environnement s'est traduite par une augmentation des cas de chloracné. La US EPA étudie actuellement les effets des dioxines sur la santé autres que les effets cancérogènes, comme les effets immunotoxiques, les troubles de la reproduction et la neurotoxicité.

Les effets des POP ne s'expriment pas aussi franchement dans le cas d'une exposition à des concentrations plus faibles provenant de l'environnement et de la chaîne alimentaire. Les observations sur des animaux en laboratoire et sur le terrain, les études cliniques et épidémiologiques chez les humains et les études sur des cultures cellulaires démontrent dans l'ensemble qu'une trop grande exposition à certains POP peut être associée à une foule d'effets biologiques. Ces effets nocifs peuvent être une immunodéficience, des déficits neurologiques, des troubles de la reproduction, des anomalies du comportement et la cancérogenèse. Les données scientifiques démontrant un lien entre une exposition chronique à des concentrations sublétales de POP (comme celles pouvant résulter du transport de ces polluants sur de longues distances) et des effets sur la santé sont plus difficiles à obtenir, mais elles sont une source de grandes préoccupations. Des chercheurs suédois ont signalé que la présence de BPC, de dioxines et de furanes dans les aliments pourrait être lié à une réduction importante de la population des cellules tueuses naturelles (lymphocytes), alors que d'autres ont indiqué que le taux d'infection des enfants qui absorbent des quantités élevées d'organochlorés dans leur alimentation peut être environ 10 à 15 fois plus élevé que celui des enfants qui en absorbent beaucoup moins. Le foetus en développement et le nouveau-né sont particulièrement vulnérables à l'exposition aux POP par le placenta et le lait maternel à des périodes cruciales de leur développement. On a également signalé que les habitants de l'Arctique canadien, qui sont situés au sommet de la chaîne alimentaire dans cette région, ont des taux de BPC qui dépassent la dose journalière admissible; cette population pourrait ainsi être particulièrement exposée à des effets sur la reproduction et le développement. Dans un autre rapport, des enfants du nord du Québec, au Canada, qui ont été fortement exposés aux BPC, aux dioxines et aux furanes par le lait maternel présentaient également une incidence plus élevée d'infections de l'oreille moyenne que les enfants allaités au biberon. La plupart des auteurs, toutefois, concluent que les avantages de l'allaitement maternel l'emportent sur les risques.

Une étude de la cancérogenèse associée à une exposition professionnelle à la 2,3,7,8-TCDD semble également indiquer qu'une exposition de la population humaine à des concentrations extrêmement élevées augmente l'incidence globale du cancer. Des études en laboratoire confirment que certains organochlorés (dioxines et furanes) peuvent avoir des effets cancérogènes et se comporter comme de puissants promoteurs de tumeur.

Plus récemment, on relève de plus en plus de publications dans lesquelles des chercheurs indiquent qu'il peut exister un rapport entre l'exposition à certains POP et des maladies et troubles de la reproduction chez les humains. Des chercheurs ont indiqué que l'incidence accrue des troubles de la reproduction chez les hommes pourrait être liée à une exposition accrue à des oestrogènes (ou à des composés apparentés) in vitro; ils indiquent également qu'une exposition isolée de la mère à des concentrations infimes de TCDD au cours de la grossesse pourrait augmenter la fréquence de cryptorchidie chez le fils, sans signe apparent d'intoxication de la mère. On a établi des associations entre l'exposition à certains contaminants organochlorés et le cancer chez des populations humaines. Les données préliminaires indiquent une association possible entre le cancer du sein et des concentrations élevées de DDE. Bien qu'on ne puisse pas écarter le rôle des phytoestrogènes et du changement des habitudes de vie comme facteurs de risque importants dans l'augmentation considérables de l'incidence du cancer du sein dépendant des oestrogènes, des données de corrélation suggèrent de plus en plus un rôle des POP. Cette dernière théorie a été étayée par un rapport qui indiquait que les concentrations de DDE et de BPC étaient plus élevées chez les patientes atteintes du cancer du sein que chez les témoins, la signification statistique n'étant obtenue toutefois que pour le DDE. Le rapport entre l'exposition aux organochlorés et le cancer du sein est loin d'être prouvé, mais la possibilité que de faibles expositions chroniques aux POP, qui ont en outre la propriété de s'accumuler dans l'organisme, contribuent de quelque manière à l'ensemble du risque de cancer du sein a des implications extraordinaires quant à la réduction et à la prévention de cette très importante maladie.

4 TRANSPORT ET DEVENIR DES POLLUANTS ORGANIQUES PERSISTANTS DANS L'ENVIRONNEMENT

Par définition, les POP sont susceptibles d'être plus persistants, mobiles et biodisponibles que d'autres substances. Ces propriétés leur sont conférées par leur structure moléculaire et elles sont souvent associées à des degrés plus élevés d'halogénation. Ce groupe de substances comprend d'anciens pesticides chlorés comme le DDT et les chlordanes, les biphényles polychlorés, les benzènes polychlorés, de même que les dioxines et les furanes polychlorés. Les propriétés physico-chimiques de ces composés sont telles qu'elles favorisent l'accumulation de concentrations suffisamment élevées dans l'atmosphère pour permettre leur redistribution à l'échelle planétaire par évaporation et transport atmosphérique.

4.1 PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES ET DISTRIBUTION DES POP DANS L'ENVIRONNEMENT

Les propriétés physiques les plus importantes sont la solubilité dans l'eau, la pression de vapeur, la constante de la loi d'Henry (KH ), le coefficient de partage octanol/eau (KOW ) et le coefficient de partage carbone organique/eau (KOC ). La persistance dans l'environnement est l'autre propriété importante d'une substance, car le transport peut augmenter le rayon d'exposition à cette substance bien au-delà de l'endroit immédiat où elle est utilisée ou rejetée.

4.2 INFLUENCES DE L'ENVIRONNEMENT SUR LA PERSISTANCE, LE MOUVEMENT ET LE DÉPÔT DES POP

Certains processus de transformation peuvent réduire la persistance d'une substance dans l'environnement. Il s'agit de la biotransformation, de l'oxydation abiotique, de l'hydrolyse et de la photolyse. L'importance relative de ces processus dépend de la vitesse à laquelle ils se produisent dans des conditions environnementales naturelles. Par ailleurs, ces vitesses dépendent de la structure et des propriétés chimiques de la substance et de sa répartition dans les divers compartiments de l'environnement. Comme on peut s'y attendre, les facteurs environnementaux ont peu d'effet sur la dégradation et la transformation des POP. En outre, ceux qui pourraient avoir certains effets sont moins efficaces dans les régions polaires. Étant donné que des POP sont continuellement utilisés et rejetés dans d'autres parties du globe, il en résulte une accumulation nette dans les régions polaires.

Certaines des propriétés physiques susmentionnées sont fortement influencées par les conditions du milieu. Par exemple, la température a beaucoup d'influence sur la pression de vapeur, la solubilité dans l'eau et, par conséquent, la constante de la loi d'Henry. Le sens net des échanges des substances en pleine mer dépend également des différences de température à la surface de l'eau et des concentrations atmosphériques. Par exemple, le mouvement net des POP dans la baie du Bengale, dans l'océan Indien, se fait de l'océan vers l'atmosphère, alors que c'est l'inverse dans les régions polaires. La température peut également avoir un effet sur le dépôt des substances à d'autres endroits. La distribution des POP est inversement liée à la pression de vapeur, et ainsi à la température. Les basses températures favorisent plutôt la distribution de ces composés dans les particules en suspension dans l'atmosphère que dans la phase vapeur. Les POP sont ainsi plus susceptibles d'être transportés jusqu'à la surface de la terre par la pluie et la neige (figure 3).

Figure 3 Illustration du dépôt net des POP à l'échelle de la planète. Il est admis que les POP peuvent provenir de toutes latitudes où ils sont utilisés.

Les pays sous les tropiques jouissent de températures plus élevées toute l'année que les pays situés dans les régions tempérées et polaires. La pratique qui consiste à utiliser sous les tropiques certains pesticides agricoles durant la saison de croissance, une saison plus chaude et plus humide, peut faciliter la dissipation rapide des POP par l'air et l'eau.

Ces observations, entre autres, indiquent que les apports de POP dans les eaux littorales en provenance des cours d'eau sont moins importants sous les tropiques que dans les zones tempérées. Le temps de séjour d'une substance dans un environnement aquatique tropical est assez court, et le transfert dans l'atmosphère est plus élevé dans ces régions. Ce temps de séjour relativement court des POP dans les eaux tropicales peut être considéré comme avantageux pour les organismes locaux, mais il a des conséquences graves pour l'environnement planétaire, car les résidus qui se volatilisent sous les tropiques se dispersent dans l'atmosphère de toute la planète.

La distribution actuelle des POP dans les océans correspond à un changement majeur de leur profil de distribution au cours des dernières décennies. Jusqu'au début des années 1980, les POP (comme le DDT et les BPC) étaient plus concentrés dans les océans de l'hémisphère nord situés à des latitudes moyennes, probablement à cause de leur utilisation massive par les pays développés, soit le Japon, l'Europe et l'Amérique du Nord. Cette distribution n'a pas été observée dans les échantillons prélevés plus récemment.

Le transport atmosphérique et l'accumulation des POP (BPC, DDT, HCH et chlordanes) dans les régions polaires ont été abondamment documentés. L'accumulation des POP dans les régions polaires vient en partie de leur évaporation à l'échelle planétaire suivie de leur condensation sous l'effet du froid, dans la gamme de volatilité des BPC et des pesticides. Ces contaminants se déposent, s'évaporent et se fractionnent continuellement selon leur volatilité (figure 3). Il s'ensuit que les POP de volatilité intermédiaire, comme l'HCB, sont transportés relativement rapidement et que les composés moins volatils, comme le DDT, migrent plus lentement (figure 4).

 

Most volatile = Les plus volatils

Moderately volatile = Moyennement volatils

Least volatile = Les moins volatils

Figure 4 Illustration de l'effet de la volatilité sur la distance à laquelle les POP peuvent être transportés. Il est admis que les POP peuvent provenir de toutes latitudes où ils sont utilisés.

Les caractéristiques des écosystèmes polaires aggravent les problèmes liés à la contamination par les POP. Le climat plus froid, l'activité biologique réduite et le faible angle d'incidence du rayonnement solaire sont de nature à augmenter la persistance des POP.

4.3 DÉPÔT

Il existe une quantité considérable de données sur les concentrations de POP dans des échantillons prélevés dans l'Arctique et l'Antarctique; elles sont résumées dans le document complémentaire au présent document d'évaluation. La plupart de ces données sont publiées dans des résumés sous forme de moyennes et de fourchettes. Il a été impossible d'avoir accès aux données brutes à partir desquelles ces moyennes ont été calculées, mais les fourchettes de concentrations sont présentées dans le tableau 4-1, à titre d'information. L'examen de ces données indique une diminution des concentrations de certains POP depuis leur interdiction ou leur utilisation restreinte. Une base de données centrale renfermant toutes les données d'analyse sur les POP contribuerait grandement à détermine les tendances spatiales et temporelles de ces données et à les relier aux changements du profil d'utilisation de ces substances.

 

 

Tableau 4-1 Concentration typique de polluants organiques persistants dans un certain nombre d'organismes

Organisme/source Aldrine Chlor-dane DDT Dieldrine Dioxines et furanes Hexa-

chloro-

benzène

Hepta-

chlore

Mirex BPC Toxa-

phène

Foie de poisson de lacs du Nord canadien (ng/g lipides) - 86,4-

377

50-

1 490

7,1-71 - 22-66 - 3,7-10 301-

1941

930-

2 338

Tissus de poissons de cours d'eau du nord de l'Ontario (ng/g poids frais) - 2 1-10 2 - 1-8 1 - 10-430 -
Animaux terrestres du nord du Canada (ng/g poids frais) - 0,2-60 0,5-

9 100

0,003-

170

- 0,3-84 - 0,01-0,7 0,4-

470

3-13
Invertébrés marins de l'Arctique (ng/g poids frais) - 10-

2 520

6-

3 460

- - - - - 10-

14 000

24-

8 300

Poissons marins de l'Arctique (ng/g poids frais) - 0,6-2 380 0,6-

6 830

- 10 - - - 1-

12 850

2-

9 160

Mammifères marins de l'Arctique (ng/g poids frais) - 0,6-

7 090

2-

39 000

- <300-

118 000

- - - 1-

12 900

84-

9 160

Oiseaux marins de l'Arctique (ng/g poids frais) - 7-260 3-

22 000

- - - - - 10-59 10-90
Eau de mer/glace/

particules atmosphériques (ng/L)

- 0,0002-

0,0048

0,0003-

0,250

0,0003-

0,015

- 0,0001-

0,05

- - 0,0005-

2,5

0,032-

0,36

 

5 UTILISATIONS, SOURCES ET PRODUITS DE REMPLACEMENT

5.1 INTRODUCTION

Les douze POP sur lesquels porte le présent rapport proviennent de leur utilisation dans l'industrie, en agriculture ou dans la lutte contre les vecteurs de maladies, ou ils en résultent; neuf sont des pesticides utilisés en agriculture ou pour la lutte contre des vecteurs de maladies. À la fin des années 1970, ces neuf pesticides et les BPC étaient soit interdits soit soumis à des restrictions sévères quant à leur utilisation dans de nombreux pays. Les données actuelles indiquent que certains de ces POP sont encore utilisés dans certaines parties du monde où ils sont considérés comme essentiels pour la santé publique. Afin de réduire encore davantage l'utilisation de ces produits dans ces pays, il est important de déterminer quels pays utilisent ces POP et comment ils les appliquent. On a découvert qu'il existe une masse considérable de données sur le volume total de POP produit et utilisé dans le monde, mais très peu de données fiables sur des usages spécifiques dans chaque pays. Bien que le manque de données spécifiques ne permette pas d'évaluer facilement les raisons qui motivent l'utilisation continuelle de ces neuf pesticides, les données disponibles nous permettent quand même d'étudier d'une façon générale les profils d'utilisation et les obstacles à l'adoption de produits de remplacement.

5.2 UTILISATIONS ET SOURCES DES POLLUANTS ORGANIQUES PERSISTANTS

La plupart, sinon la totalité, des neuf pesticides en question sont en usage ou existent encore dans de nombreux pays. Toutefois, on ne connaît pas la quantité précise que ces pays peuvent utiliser actuellement. Il n'existe pas de registres centralisés d'utilisation par chaque pays, mais certains organismes, comme la FAO, la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe et la Banque mondiale ont commencé à recueillir des données d'utilisation globales. Le tableau 5-1 donne la production cumulative de la plupart des composés à peu près à partir de 1987. Par conséquent, on ne dispose pas de données pour chaque pays, mais des données sur la production cumulative globale (parfois pour les É.-U. seulement ou pour d'* autres + pays non précisés). Ces données ne nous permettent pas de déterminer avec précision où et comment ces composés sont utilisés, mais elles nous indiquent toutefois que les composés sont en fait encore utilisés et nous aident à brosser des profils généraux d'utilisation.

5.3 PRODUITS DE REMPLACEMENT DES POLLUANTS ORGANIQUES PERSISTANTS

Il existe divers produits de remplacement chimiques et non chimiques des POP. Les pesticides de remplacement qui ont été suggérés dans les pays développés sont énumérés dans le tableau 5-1. Il est important de remarquer que ce ne sont pas tous les pays en développement qui utilisent des POP, et que les pays qui autorisent certains POP n'excluent pas les produits de remplacement. Par exemple, au Honduras, on utilise des systèmes de lutte intégré dans certaines régions, des systèmes qui font appel à l'utilisation judicieuse de nouveaux pesticides plus spécifiques et de méthodes de lutte biologique. Dans les mêmes régions, il y a un réseau de distribution bien établi des technologies de lutte antiparasitaire et de l'information connexe. Dans d'autres régions du Honduras, où il y a moins de producteurs et où les exploitations sont plus petites, on utilise des composés plus anciens, notamment certains POP, pour diverses raisons :

Tableau 5-1 Information sommaire sur les utilisations et les technologies de remplacement

Polluant organique

persistant

Volume Technologies de remplacement

DDT

Production cumulative de DDT estimée à 1,5 million de tonnes, à partir de 1987 Lutte intégrée, azinphos-éthyl, diazinon, carbaryl, fenthion, malathion, méthidathion, méthomyl, monocrotophos, phosmet, chlorpyrifos, diméthoate, trichlorfon, roténone, endosulfan, dichlorvos, méthamidophos, perméthrine, deltaméthrine, fluvalinate, pyréthroïdes, thiodicarbe, pyréthroïdes synthétiques, chlorpyrifos, malathion, diazinon esfenvalérate, méthomyl, dicofol, phorate, perméthrine, soufre, acéphate

Aldrine

Production cumulative d'aldrine et de dieldrine ' 110 000 tonnes aux É.-U. et 40 000 tonnes en Amérique du Sud et en Amérique centrale, à partir de 1987 Lutte biologique, lutte intégrée, chlorpyrifos, méthomyl, diazinon, phorate, perméthrine, chlorpyrifos, pyréthroïdes, acéphate, isofenphos, pyréthroïdes synthétiques

Dieldrine

   

Lutte biologique, lutte intégrée, diazinon, pirimiphos-éthyl, prothiofos, acéphate, méthomyl, perméthrine, endosulfan, azinphos-éthyl, deltaméthrine, monocrotophos, sulprofos, carbaryl, bendiocarbe, cyfluthrine, dichlorvos, fenthion, propoxur, pyréthrines et chlorpyrifos, fénitrothion 1000 UBV, diazinon, malathion, cyperméthrine, isazofos

Endrine

   

Lutte biologique, lutte intégrée

Chlordane

Production cumulative de chlordane estimée à 250 000 tonnes métriques aux É.-U. Lutte biologique, lutte intégrée, bendiocarbe, carbaryl, chlorpyrifos, cyfluthrine, cyromazine, deltaméthrine, diazinon, dichlorvos, fenthion, malathion, perméthrine, propoxur, pyréthrine, alphaméthrine, créosote, phoxime, fénitrothion, diazinon, bendiocarbe, trichlorfon, acéphate, isazofos, fonofos, pyréthroïdes synthétiques

Heptachlore

   

Lutte biologique, lutte intégrée, chlorpyrifos, azinphos-éthyl, terbufos, diazinon, carbaryl, cyfluthrine, bendiocarbe, fénamiphos, éthoprophos, pirimiphos-éthyl, prothiofos, granules de carbofurane, acéphate, isazophos, fonofos, pyréthroïdes synthétiques, propoxur, malathion, dichlorvos, propetamphos

Hexachlorobenzène

Production cumulative aux É.-U. ' 100 000 tonnes métriques, à partir de 1979 Aucune solution pour combattre les sous-produits

Mirex

Données non disponibles Données non disponibles

Toxaphène

Production cumulative ' 450 000 tonnes métriques, à partir de 1995 Lutte biologique

BPC

Production cumulative ' 1,2 million de tonnes, à partir de 1987 Huiles de silicone

Dioxines et

furanes

   

Sans objet - sous-produits indésirables

5.4 ENTRAVES À L'ADOPTION DES TECHNOLOGIES DE REMPLACEMENT

Il est important de déterminer pourquoi les technologies de remplacement ne sont pas utilisées. Il y a plusieurs obstacles à l'adaptation à ces technologies de remplacement et aux nouvelles technologies en général, particulièrement dans les pays en développement. Certaines technologies de remplacement sont tout simplement plus coûteuses et exigent également plus de ressources pour les appliquer comparativement aux composés plus anciens et plus dangereux. Certains produits de remplacement, qui pourraient être plus toxiques que les POP à court terme pour l'applicateur, représentent donc un risque pour les personnes et se traduisent par des coûts de santé supplémentaires.

L'éducation et la formation sont deux autres obstacles à l'adoption de ces technologies. Il est nécessaire de renseigner et de former tous les intervenants dans la chaîne de production, dont les utilisateurs et les vendeurs, et d'aborder autant les anciens produits que les produits de remplacement existants. Il se peut que certaines personnes ne réalisent pas les dangers des anciens produits, ne connaissent pas les produits de remplacement et ne sachent pas comment les utiliser efficacement.

Tous les pays ne disposent pas nécessairement de toute l'infrastructure et de la réglementation nécessaires pour gérer l'utilisation des pesticides et pour éduquer et former les gens de manière à ce qu'ils utilisent les produits de remplacement disponibles. Il peut être difficile pour eux d'instaurer des programmes de gestion efficaces et de donner le type de formation dont on a parlé.

La structure de réglementation que certains pays en développement ont adoptée est basée sur celle en vigueur dans les pays développés. Cette structure est souvent inadaptable ou inappropriée à la situation particulière des pays en développement. En outre, les ressources financières et humaines nécessaires pour que ces structures fonctionnent efficacement sont souvent insuffisantes. Dès qu'un système de réglementation compatible avec les ressources disponibles est en place, on peut commencer à influencer l'élimination graduelle des anciens composés dangereux.

Pour faire avancer la situation dans ce domaine, il faut d'abord réaliser un inventaire détaillé des 12 composés dans chaque pays, déterminer de façon précise, pour chaque pays, les quantités de ces composés qui sont utilisées, les raisons de leur utilisation, les produits de remplacements disponibles pour chaque utilisation spécifique et les obstacles à l'adoption de ces produits. Quelques études de cas pourraient nous fournir des réponses générales à ces questions. Avec davantage de données quantitatives, on pourra évaluer plus à fond les différentes technologies de remplacement et favoriser la mise en oeuvre de ces technologies.

  1. PROFILS DES POP
  2. L'information sur les pays qui ont pris des mesures pour interdire ou restreindre sévèrement ces composés provient de diverses sources qui remontent à 1987. L'information doit donc être vérifiée et mise à jour.

    6.1 ALDRINE

    Propriétés chimiques

    Désignation chimique CAS :

    1,2,3,4,10,10-Hexachloro-1,4,4a,5,8,8a-hexahydro-1,4:5,8-diméthanonaphtalène.

    Synonymes et noms commerciaux (liste partielle) : Aldrec, Aldrex, Aldrex 30, Aldrite, Aldrosol, Altox, Composé 188, Drinox, Octalene, Seedrin.

    No CAS : 309-00-02; formule moléculaire : C12H8Cl6; poids formulaire : 364,92

    Aspect : Cristaux blancs inodores à l'état pur; le produit de qualité technique est couleur havane à brun foncé et possède une faible odeur chimique.

    Propriétés : Point de fusion : 104 NC (pur), 49-60 NC (technique); point d'ébullition : 145 NC à 2 mm Hg; KH : 4,96 x 10-4 atm × m3/mol à 25 NC; log KOC : 2,61, 4,69; log KOW : 5,17-7,4; solubilité dans l'eau : 17-180 mg/L à 25 NC; pression de vapeur : 2,31 x 10-5 mm Hg à 20 NC.

    L'aldrine est un pesticide utilisé pour lutter contre les insectes terrestres, comme les termites, le chrysomèle des racines du maïs, les larves de taupin, le charançon aquatique du riz et les sauterelles; on l'a largement utilisé sur le maïs et la pomme de terre, et il protège efficacement les structures en bois contre les termites. L'aldrine est métabolisée rapidement en dieldrine par les végétaux et les animaux. Il est donc rare de trouver des résidus d'aldrine dans les aliments et les animaux et, le cas échéant, les concentrations mesurées sont faibles. L'aldrine se fixe fortement aux particules du sol et résiste efficacement à la lixiviation dans les eaux souterraines. La volatilisation est un mécanisme important de perte à partir du sol. Étant donné sa nature persistante et son hydrophobicité, l'aldrine est bioconcentrée, principalement sous forme de ses produits de transformation. L'aldrine est interdite dans de nombreux pays, dont la Bulgarie, l'Équateur, la Finlande, la Hongrie, Israël, Singapour, la Suisse et la Turquie. Son utilisation est soumise à de sévères restrictions dans de nombreux pays, dont l'Argentine, l'Autriche, le Canada, la CE, le Chili, les États-Unis, le Japon, la Nouvelle-Zélande, les Philippines et le Venezuela.

    L'aldrine est toxique pour les humains; la dose létale d'aldrine pour un adulte a été estimée à environ 5 g, ce qui équivaut à 83 mg/kg de poids corporel. Les signes et symptômes d'une intoxication à l'aldrine peuvent inclure des maux de tête, des étourdissements, des nausées, un malaise général et des vomissements, suivis par des secousses musculaires, des spasmes myocloniques et des convulsions. L'exposition professionnelle à l'aldrine, ainsi qu'à la dieldrine et à l'endrine, a été associée à une augmentation importante des cancers du foie et de la vésicule biliaire, mais l'étude présentait certaines lacunes, dont un manque de données quantitatives sur l'exposition. Des données limitées indiquent que les cyclodiènes, comme l'aldrine, peuvent avoir un effet sur le système immunitaire.

    La DL50 orale aiguë de l'aldrine chez les animaux de laboratoire est comprise entre 33 mg/kg de poids corporel chez le cobaye et 320 mg/kg de poids corporel chez le hamster. On a observé des effets sur la reproduction de rates gravides à une dose de 1,0 mg/kg par voie sous-cutanée. La progéniture présentait une diminution du temps efficace moyen d'éruption des incisives et une augmentation du temps efficace moyen de descente testiculaire. Aucune donnée n'indique jusqu'à maintenant que l'aldrine pourrait être tératogène. Le CIRC est arrivé à la conclusion que les preuves de la cancérogénicité de l'aldrine chez les humains sont insuffisantes et que les preuves sont limitées chez les animaux expérimentaux. L'aldrine ne peut donc pas être classée parmi les agents cancérogènes pour les humains (CIRC, groupe 3).

    L'aldrine est peu phytotoxique, les plantes n'étant affectées que par des doses très élevées. La toxicité de l'aldrine pour les organismes aquatiques est assez variable, les insectes aquatiques étant le groupe le plus sensible des invertébrés. La CL50 de 96 h est comprise entre 1-200 mg/L chez les insectes et 2,2-53 mg/L chez les poissons. Les études à long terme et les études de bioconcentration sont effectuées principalement avec la dieldrine, le principal produit de transformation de l'aldrine. Dans une étude d'écosystème expérimental, seulement 0,5 % de l'aldrine radioactive initiale était stockée sous cette forme dans le gambusie (Gambusia affinis), l'organisme situé au sommet de la chaîne alimentaire expérimentale.

    La toxicité aiguë de l'aldrine pour les oiseaux est comprise entre 6,6 mg/kg chez le colin de Virginie et 520 mg/kg chez le canard mallard. On pense que du riz traité à l'aldrine a été responsable de la mort d'espèces d'oiseaux aquatiques, d'oiseaux de rivage et de passereaux sur la côte du Golfe du Texas, par intoxication directe provenant de l'ingestion de riz traité à l'aldrine et indirectement par la consommation d'organismes contaminés par l'aldrine. Des résidus d'aldrine ont été détectés dans tous les échantillons d'oiseaux morts, d'oeufs, d'animaux nécrophages, de prédateurs, de poissons, de grenouilles, d'invertébrés et de sol.

    Comme l'aldrine est rapidement transformée en dieldrine dans l'environnement, son devenir est étroitement lié à celui de la dieldrine. L'aldrine est rapidement métabolisée en dieldrine par les animaux et les végétaux. Il est donc rare de trouver des résidus d'aldrine dans les animaux et, le cas échéant, les concentrations mesurées sont très faibles. On a décelé des résidus d'aldrine chez des poissons en Égypte, à une concentration moyenne de 8,8 mg/kg et à une concentration maximale de 54,27 mg/kg.

    On a calculé que la dose journalière moyenne d'aldrine et de dieldrine était de 19 mg par personne en Inde et de 0,55 mg par personne au Vietnam. Les produits laitiers, tels le lait et le beurre, et la viande sont les principales sources d'exposition.

    6.2 CHLORDANE

    Propriétés chimiques

    Désignation chimique CAS

    1,2,4,5,6,7,8,8-Octachloro-2,3,3a,4,7,7a-hexahydro-4,7-méthano-1H-indène.

    Noms commerciaux (liste partielle) : Aspon, Belt, Chloriandin, Chlorkil, Chlordane, Corodan, Cortilan-neu, Dowchlor, HCS 3260, Kypchlor, M140, Niran, Octachlor, Octaterr, Ortho-Klor, Synklor, Tat chlor 4, Topichlor, Toxichlor, Veliscol-1068.

    No CAS : 57-74-9; formule moléculaire : C10H6Cl8; poids formulaire : 409,78.

    Aspect : Liquide visqueux incolore à brun jaunâtre, à odeur aromatique piquante semblable à celle du chlore.

    Propriétés : Point de fusion : <25 NC; point d'ébullition : 165 NC à 2 mm Hg; KH : 4,8 x 10-5 atm × m3/mol à 25 NC; log KOC : 4,58-5,57; log KOW : 6,00; solubilité dans l'eau : 56 parties par milliard à 25 NC; pression de vapeur : 10-6 mm Hg à 20 NC.

    Le chlordane est un insecticide par contact à large spectre qui a été utilisé sur des cultures agricoles, notamment des légumes, de petites céréales, le maïs, d'autres oléagineux, les pommes de terre, la canne à sucre, la betterave à sucre, des fruits, des noix, le coton et le jute. On l'a également beaucoup utilisé pour lutter contre les termites. Le chlordane est très peu soluble dans l'eau et il est soluble dans les solvants organiques. Il est semi-volatil et il devrait donc se retrouver dans l'atmosphère. Il se fixe rapidement aux sédiments aquatiques et il est bioconcentré dans les graisses des organismes par suite de son coefficient de partage élevé (log KOW ' 6,00). Des pays ont pris des mesures pour interdire l'utilisation du chlordane : l'Autriche, la Belgique, la Bolivie, le Brésil, la CE, le Chili, la Colombie, la Corée, le Costa Rica, le Danemark, le Kenya, l'Espagne le Liban, le Liechtenstein, le Mozambique, la Norvège, le Panama, le Paraguay, les Pays-Bas, les Philippines, la Pologne, le Portugal, la République dominicaine, le Royaume-Uni, Sainte-Lucie, Singapour, la Suède, la Suisse, le Tonga, la Turquie, le Yémen et la Yougoslavie. Son usage a été sévèrement restreint ou limité à des usages non agricoles en Afrique du Sud, en Argentine, au Bélize, en Bulgarie, au Canada, en Chine, à Chypre, en Dominique, en Égypte, aux États-Unis, au Honduras, en Indonésie, en Israël, au Mexique, en Nouvelle-Zélande, au Sri Lanka et au Venezuela.

    Les premières études sur l'exposition professionnelle n'ont révélé aucun effet toxique chez des travailleurs qui ont été exposés au chlordane dans le cadre de sa fabrication pendant une période pouvant atteindre 15 ans. Par ailleurs, dans une étude sur 1 105 travailleurs associés à la lutte antiparasitaire, dont la plupart utilisaient du chlordane, trois d'entre eux seulement lui ont attribué des malaises (légers étourdissements, maux de tête, sensation de faiblesse). L'exposition au chlordane n'a pas été associée à un risque accru de mortalité par cancer. On a signalé des modifications importantes au niveau du système immunitaire chez des sujets qui se sont plaints d'effets sur leur santé liés à l'exposition au chlordane.

    La toxicité orale aiguë du chlordane chez des animaux de laboratoire est comprise entre 83 mg/kg pour le cis-chlordane pur chez le rat et 1 720 mg/kg chez le hamster. Une exposition subchronique (90 jours) de rats et de singes par inhalation à des doses pouvant atteindre 10 mg/m3 a résulté en une augmentation de la concentration du cytochrome P-450 et des protéines microsomales chez les rats. Les résultats de cette étude donnent une dose sans effet d'environ 0,1 mg/m3 chez le rat et de plus de 10 mg/m3 chez le singe.

    Des souris ont reçu du chlordane dans leur régime alimentaire pendant 6 générations. À 100 mg/kg, la viabilité était réduite au cours des première et deuxième générations, et aucune progéniture n'a été obtenue à la troisième génération. À 50 mg/kg, la viabilité était réduite au cours des troisième et quatrième générations et à 25 mg/kg, aucun effet statistiquement significatif n'a été observé après 6 générations. La progéniture de lapines auxquels on a administré du chlordane par voie orale du 5e au 18e jour de la gestation n'a pas présenté de changement du comportement, de l'aspect ou du poids corporel, et aucun effet tératogène n'a été signalé. Le CIRC est arrivé à la conclusion que les preuves de la cancérogénicité du chlordane chez les humains sont insuffisantes, mais qu'elles sont suffisantes chez les animaux expérimentaux. Le CIRC a classé le chlordane comme un agent cancérogène probable pour les humains (Groupe 2B).

    La toxicité aiguë du chlordane pour les organismes aquatiques est assez variable; en effet, les valeurs de CL50 de 96 heures peuvent être aussi faibles que 0,4 mg/L chez la crevette rose. La DL50 orale aiguë chez de jeunes canards mallards de 4 à 5 mois était de 1 200 mg/kg de poids corporel. La CL50 chez le colin de Virginie ayant reçu du chlordane dans son alimentation pendant 10 semaines était de 10 mg/kg d'aliments.

    On a signalé que la demi-vie du chlordane dans le sol était d'environ un an. Cette persistance, alliée à un coefficient de partage élevé, confère au chlordane les propriétés nécessaire pour être bioconcentré dans les organismes. On a signalé des facteurs de bioconcentration de 37 800 chez la tête-de-boule et de 16 000 chez le méné tête-de-mouton. Les données indiquent que le chlordane est bioconcentré (prélevé directement dans l'eau) plutôt que bioaccumulé (prélevé dans l'eau et à partir des aliments). Les propriétés chimiques du chlordane (faible solubilité dans l'eau, stabilité élevée et semi-volatilité) favorisent son transport sur de longues distances; on a en outre détecté du chlordane dans l'air, l'eau et les organismes de l'Arctique.

    L'exposition au chlordane peut provenir des aliments, mais étant donné son utilisation très restreinte, il ne semble pas que cette voie soit importante. On a décelé l'isomère gamma-chlordane dans seulement 2 (8,00 et 36,17 mg/kg de poids frais) des 92 échantillons de poissons égyptiens et dans 2 (2,70 et 0,48 parties par milliard) des 9 échantillons d'aliments importés à Hawaii de pays côtiers de l'ouest du Pacifique. On a décelé du chlordane dans l'air à l'intérieur de résidences au Japon et aux É.-U. Le chlordane dans l'air peut être une source importante d'exposition de la population aux É.-U. Les concentrations moyennes décelées dans les espaces habitables de 12 résidences au New Jersey, avant et après un traitement contre les termites, passaient de 0,14 à 0,22 mg/m3. Les concentrations moyennes dans les espaces non habitables (vides sanitaires et sous-sol non finis) étaient plus élevées, soit 0,97 mg/m3 avant le traitement et 0,91 mg/m3 après le traitement. Les concentrations décelées dans les résidences du New Jersey avant et après l'entrée en vigueur de la réglementation restreignant l'utilisation du chlordane sont passées de 2,6 à 0,9 mg/m3.

    6.3 DDT

    Propriétés chimiques

    Désignation chimique CAS : 1,1'-(2,2,2-Trichloroéthylidène)bis(4-chlorobenzène)

    Synonymes et noms commerciaux (liste partielle) : Agritan, Anofex, Arkotine, Azotox, Bosan Supra, Bovidermol, Chlorophenothan, Chloropenothane, Clorophenotoxum, Citox, Clofenotane, Dedelo, Deoval, Detox, Detoxan, Dibovan, Dicophane, Didigam, Didimac, Dodat, Dykol, Estonate, Genitox, Gesafid, Gesapon, Gesarex, Gesarol, Guesapon, Gyron, Havero-extra, Ivotan, Ixodex, Kopsol, Mutoxin, Neocid, Parachlorocidum, Pentachlorin, Pentech, PPzeidan, Rudseam,

    Santobane, Zeidane, Zerdane.

    No CAS : 50-29-3; formule moléculaire : C14H9Cl5; poids formulaire : 354,49.

    Aspect : Cristaux ou poudre blanche inodores à légèrement aromatiques.

    Propriétés : Point de fusion : 108,5 NC; point d'ébullition : 185 NC à 0,05 mm Hg (se décompose); KH : 1,29 x 10-5 atm × m3/mol à 23 NC; log KOC : 5,146-6,26; log KOW : 4,89-6,914; solubilité dans l'eau : 1,2-5,5 mg/L à 25 NC.

    Le DDT a été largement utilisé durant la Deuxième Guerre mondiale pour protéger les troupes et les civils contre la propagation du paludisme, du typhus et d'autres maladies transmises par des vecteurs. Après la guerre, le DDT a été largement utilisé sur diverses cultures agricoles et pour lutter également contre les vecteurs de maladies. Il est encore produit et utilisé pour lutter contre les vecteurs. Les préoccupations croissantes concernant ses effets néfastes sur l'environnement, notamment sur les oiseaux sauvages, ont incité de nombreux pays développés, au début des années 1970, à imposer de sévères restrictions au DDT ou à l'interdire. En agriculture, c'est sur le coton qu'il a été le plus utilisé; en effet, plus de 80 % du DDT utilisé aux É.-U. l'a été sur le coton, avant qu'il y soit interdit en 1972. Le DDT est encore utilisé pour lutter contre les moustiques vecteurs du paludisme dans de nombreux pays.

    Le DDT est très peu soluble dans l'eau, mais soluble dans la plupart des solvants organiques. Il est semi-volatil et devrait donc se répartir dans l'atmosphère. On le retrouve partout dans l'environnement; on en a même trouvé des résidus dans l'Arctique. C'est un composé lipophile qui se distribue rapidement dans les graisses de tous les organismes vivants, et qui peut être bioconcentré et bioamplifié. Les produits de dégradation du DDT, le 1,1-dichloro-2,2-bis(4-chlorophényl)éthane (DDD ou TDE) et le 1,1-dichloro-2,2bis(4-chlorophényl)éthylène) (DDE), se retrouvent aussi pratiquement partout dans l'environnement et sont plus persistants que le composé parent.

    Trente-quatre pays ont interdit le DDT et 34 autres en ont sévèrement restreint l'utilisation. Parmi les pays qui l'ont interdit, mentionnons l'Argentine, l'Australie, la Bulgarie, le Canada, la Colombie, Chypre, les États-Unis, l'Éthiopie, la Finlande, Hong Kong, le Japon, le Liban, le Mozambique, la Norvège et la Suisse. Parmi les pays qui ont sévèrement restreint son utilisation, mentionnons le Bélize, la CE, l'Équateur, l'Inde, Israël, le Kenya, le Mexique, Panama et la Thaïlande.

    Le DDT a été largement utilisé par pulvérisation directe sur les personnes dans le cadre de programmes de lutte contre le typhus, et aussi de lutte contre le paludisme dans les pays tropicaux. De nombreuses études ont montré qu'une exposition de la peau au DDT n'est pas associée à des maladies ou à une irritation. Des études sur des volontaires qui ont ingéré du DDT pendant une période pouvant atteindre 21 mois n'ont signalé aucun effet nocif. On a observé une augmentation non significative de la mortalité par cancer du foie et de la vésicule biliaire et une augmentation significative de la mortalité par maladie cérébrovasculaire chez des travailleurs oeuvrant dans la production du DDT. Certaines données indiquent que le DDT pourrait être immunosuppresseur, peut-être en diminuant l'immunité humorale. L'administration périnatale de pesticides à action faiblement oestrogénique, comme le DDT, entraîne des modification du développement du foetus semblables à celles produites par les oestrogènes; des données limitées indiquent également un lien possible entre les organochlorés, tels le DDT et son métabolite le DDE, et le risque de cancer du sein.

    Le DDT n'est pas très toxique à doses aiguës chez des animaux de laboratoire, la DL50 orale aiguë étant comprise entre 100 mg/kg de poids corporel chez le rat et 1 770 mg/kg chez le lapin. Dans le cadre d'une étude sur la reproduction portant sur six générations de souris, on n'a observé aucun effet sur la fertilité, la gestation, la viabilité, la lactation ou la survie à une concentration de 25 ppm dans le régime alimentaire. À la concentration de 100 ppm, le DDT était responsable d'une faible réduction de la lactation et de la survie chez certaines générations, mais pas toutes, et les effets n'étaient pas progressifs. Une concentration de 250 ppm produisait des effets néfastes nets sur la reproduction. Dans ces deux études et dans d'autres, on n'a observé aucun signe de tératogénicité.

    Le CIRC est arrivé à la conclusion que les preuves de la cancérogénicité du DDT chez les humains sont insuffisantes, mais qu'elles sont suffisantes chez les animaux expérimentaux. Le CIRC a classé le DDT parmi les agents cancérogènes probables pour les humains (Groupe 2B).

    Le DDT est très toxique pour les poissons, les valeurs de CL50 de 96 heures étant comprises entre 0,4 mg/L chez les crevettes et 42 mg/L chez la truite arc-en-ciel. Il influence également le comportement des poissons. Le saumon de l'Atlantique exposé au DDT au stade des oeufs présente des troubles de l'équilibre et un retard dans l'apparition de la structure normale de comportement. Le DDT a également un effet sur le choix de la température de l'eau chez le poisson.

    Les doses aiguës de DDT sont toxique pour les oiseaux, les valeurs de DL50 orale aiguë étant comprises entre 595 mg/kg de poids corporel chez la caille et 1 334 mg/kg chez le faisan, mais le DDT, et notamment le DDE, sont surtout connus pour leurs effets nocifs sur la reproduction; en effet ils sont responsables d'un amincissement de la coquille des oeufs qui est associé à des effets néfastes sur le succès de la reproduction. La sensibilité des oiseaux à cet effet varie considérablement d'une espèce à l'autre, les oiseaux de proie étant les plus sensibles et présentant un amincissement prononcé de la coquille de leurs oeufs dans leur milieu naturel. Des crécerelles d'Amérique ont été nourries avec des poussins d'un jour ayant reçu du DDE par injection. Les résidus de DDE dans les oeufs étaient étroitement corrélés avec la concentration de DDE dans l'alimentation des oiseaux, et on a observé une relation linéaire entre le degré d'amincissement de la coquille des oeufs et le logarithme des concentrations de résidus de DDE dans les oeufs. Les données recueillies sur le terrain ont confirmé cette tendance. Le DDT (ainsi que d'autres hydrocarbures aromatiques halogénés) a été lié à la féminisation et à l'altération du rapport des sexes des populations de goéland d'Audubon au large des côtes du sud de la Californie et des populations de goéland argenté dans la région des Grands Lacs.

    Le DDT et les composés apparentés sont très persistants dans l'environnement, jusqu'à 50 % pouvant être encore mesuré dans le sol 10 à 15 ans après l'application. Cette persistance, alliée à un coefficient de partage élevé (log KOW ' 4,89-6,91), confère au DDT toutes les propriétés nécessaire pour être bioconcentré dans les organismes. On a signalé des facteurs de bioconcentration de 154 100 chez la tête-de-boule et de 51 335 chez la truite arc-en-ciel. On a suggéré que l'accumulation plus importante de DDT aux niveaux trophiques plus élevés dans les systèmes aquatiques provient d'une tendance des organismes à accumuler plus de DDT directement à partir de l'eau plutôt que par bioamplification. Comme les propriétés chimiques du DDT (faible solubilité dans l'eau, stabilité élevée et semi-volatilité) favorisent son transport sur de longues distances, on a détecté du DDT et ses métabolites dans l'air, l'eau et les organismes de l'Arctique. Le DDT a également été détecté dans le cadre de presque tous les programmes de surveillance des organochlorés; on pense généralement qu'il est réparti dans tout l'environnement de la planète.

    On a détecté du DDT et ses métabolites dans les aliments partout dans le monde; c'est d'ailleurs probablement la principale voie d'exposition de l'ensemble de la population. Lors d'une récente enquête sur les matières grasses et les oeufs des animaux domestiques en Ontario (Canada), le DDE a été le deuxième résidu le plus fréquemment mesuré (21 %) et pouvait atteindre 0,410 mg/kg. Les résidus dans les animaux domestiques ont toutefois diminué régulièrement au cours des 20 dernières années. Dans une enquête sur la viande et les produits de la viande en Espagne, 83 % des échantillons de viande d'agneau renfermaient au moins l'un des métabolites du DDT, à la concentration moyenne de 25 parties par milliard. On a détecté en moyenne 76,25 parties par milliard de p,p'-DDE dans des échantillons de poisson provenant d'Égypte. Le DDT a été l'organochloré le plus couramment détecté dans des aliments au Vietnam, à des concentrations moyennes de 3,2 et de 2,0 mg/g de matières grasses dans la viande et le poisson, respectivement. La dose journalière estimée de DDT et de ses métabolites au Vietnam était de 19 mg/personne. En Inde, on a détecté en moyenne 1,0 et 1,1 mg de résidus/g de matières grasses dans la viande et le poisson, respectivement; la dose journalière estimée serait de 48 mg/personne pour le DDT et ses métabolites.

    Le DDT a également été détecté dans le lait humain. Dans le cadre d'une enquête générale sur 16 composés dans le lait de femmes allaitantes dans quatre villages éloignés en Papouasie-Nouvelle-Guinée, on a détecté du DDT dans tous les échantillons (41), et il s'agissait de l'un des deux seuls organochlorés détectés. Le DDT a également été détecté dans le lait de femmes égyptiennes, à une concentration totale moyenne de 57,59 parties par milliard; la dose journalière estimée de DDT total chez les nouveau-nés allaités était de 6,90 mg/kg de poids corporel. Bien que cette dose soit inférieure à la dose journalière admissible de 20,0 mg/kg de poids corporel recommandée par la Réunion conjointe FAO/OMS sur les résidus de pesticides, la présence continuelle de DDT continue de soulever de graves préoccupations relativement aux effets qu'il peut avoir sur le développement des bébés.

    6.4 DIELDRINE

    Propriétés chimiques

    Désignation chimique CAS :

    3,4,5,6,9,9-Hexachloro-1a,2,2a,3,6,6a,7,7a-octahydro-2,7:3,6-dimétanonapht[2,3-b]oxirène.

    Synonymes et noms commerciaux (liste partielle) : Alvit, Dieldrite, Dieldrix, Illoxol, Panoram D-31, Quintox.

    No CAS : 60-57-1; formule moléculaire : C12H8Cl6O; poids formulaire : 380,91.

    Aspect : Stéréoisomère de l'endrine, la dieldrine peut se présenter sous la forme de cristaux blancs ou de lamelles havane pâle, incolores ou à odeur chimique légère.

    Propriétés : Point de fusion : 175-176 NC; point d'ébullition : se décompose; KH : 5,8 x 10-5 atm × m3/mol à 25 NC; log KOC : 4,08-4,55; log KOW : 3,692-6,2; solubilité dans l'eau : 140 mg/L à 20 NC; pression de vapeur : 1,78 x 10-7 mm Hg à 20 NC.

    La dieldrine a été utilisée en agriculture pour lutter contre les insectes terrestres et plusieurs insectes vecteurs de maladies, mais cette dernière utilisation a été interdite dans un certain nombre de pays à cause de préoccupations relativement à l'environnement et à la santé humaine. De nos jours, la dieldrine est limitée principalement à la lutte contre les termites et les scolytes et contre les ravageurs des textiles (OMS, 1989). La dieldrine se lie fortement aux particules du sol et résiste efficacement à la lixiviation dans les eaux souterraines. La volatilisation est un mécanisme important de perte à partir du sol et, à cause de sa persistance et de son hydrophobicité, la dieldrine peut être bioconcentrée.

    De nombreux pays ont pris des mesures pour interdire la dieldrine, dont la Bulgarie, la CE, l'Équateur, la Hongrie, Israël, le Portugal, Singapour, la Suède et la Turquie. Son utilisation est sévèrement limitée dans de nombreux pays, dont l'Argentine, l'Autriche, le Canada, la Colombie, Chypre, les É.-U., l'Inde, le Japon, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan et le Venezuela.

    Des volontaires ont reçu de la dieldrine quotidiennement pendant 2 ans. Ils sont tous restés en bonne santé, et les résultats cliniques, physiologiques et les épreuves en laboratoire n'ont essentiellement pas changé pendant toute la période d'exposition et durant une période de suivi de 8 mois. Dans une étude chez les travailleurs d'une usine où l'on fabriquait de l'aldrine, de la dieldrine et de l'endrine, on a observé une augmentation statistiquement significative des cancers du foie et des voies biliaires, mais l'étude comportait certaines lacunes, comme l'absence de données quantitatives sur l'exposition.

    Dans des études en laboratoire, on a trouvé pour la dieldrine des valeurs de DL50 orale aiguë comprises entre 37 mg/kg de poids corporel chez le rat et 330 mg/kg chez le hamster. Comme avec les autres organochlorés, le foie est le principal organe cible chez le rat; les effets comprenaient une augmentation du ratio poids du foie/poids corporel, une hypertrophie du foie et des changements histopathologiques. La concentration sans effet nocif observé (CSENO) chez le rat est de 0,5 mg/kg d'aliments, l'équivalent de 0,025 mg/kg de poids corporel/jour. Des rats qui ont reçu de la dieldrine dans leur régime alimentaire pendant trois générations n'ont présenté aucune modification de leur capacité de reproduction à toutes les doses utilisées. On a fixé à 2 mg/kg d'aliments la CSENO de la dieldrine pour la reproduction chez le rat. Aucun signe de pouvoir tératogène n'a été observé dans des études chez le rat, la souris ou le lapin en présence de doses atteignant jusqu'à 6 mg/kg de poids corporel. On a observé un développement anormal et une foetotoxicité chez le hamster et la souris, mais ces résultats ne sont probablement pas significatifs étant donné la toxicité observée chez les mères aux concentrations élevées. Des données limitées indiquent que les cyclodiènes telle la dieldrine peuvent avoir un effet sur le système immunitaire. Le CIRC est arrivé à la conclusion que les preuves de la cancérogénicité de la dieldrine chez les humains ne sont pas suffisantes et que les données sont limitées chez les animaux expérimentaux; la dieldrine a donc été classée dans le groupe 3.

    La dieldrine a une faible phytotoxicité. Les plantes ne sont affectées que par des doses beaucoup plus élevées que les doses suggérées. La toxicité aiguë de la dieldrine est assez variable chez les invertébrés aquatiques, les insectes étant le groupe le plus sensible (valeurs comprises entre 0,2 et 40 mg/L). La dieldrine est très toxique pour la plupart des espèces de poisson, à en juger par les épreuves en laboratoire (valeurs comprises entre 1,1 et 41 mg/L). La toxicité aiguë de la dieldrine chez la grenouille (CL50 de 96 h) était comprise entre 8,7 mg/L chez le têtard de Rana catesbeinana et 71,3 mg/L chez le têtard de Rana pipiens. On a observé des malformations spinales dans des épreuves chez des embryons et des larves de Xenopus laevis à des concentrations aussi faibles que 1,3 mg/L après une exposition de 10 jours.

    La toxicité aiguë de la dieldrine chez les oiseaux varie énormément; la DL50 orale aiguë est de 26,6 mg/kg chez le pigeon, alors qu'elle est de 381 mg/kg chez le canard mallard. Des canards mallards ont été exposés à de la dieldrine dans leur régime alimentaire pendant 24 jours. Une CSENO de 0,3 mg/g d'aliments sur 24 jours a été déterminée à partir d'un ralentissement de la croissance. On n'a pas régulièrement observé un effet sur le succès de la reproduction chez les oiseaux en l'absence d'une toxicité chez la mère.

    La DL50 aiguë de la dieldrine pour quatre espèces de campagnols est comprise entre 100 et 210 mg/kg de poids corporel, ce qui indique que ces arvicolinés sont moins sensibles à la dieldrine que les rongeurs de laboratoire. Dans une autre étude, des cerfs de Virginie (Odocoileus virginianus) ont reçu de la dieldrine dans leur régime alimentaire pendant 3 ans. La survie des adultes n'a pas été influencée, et la fertilité de même que la mortalité in utero étaient comparables chez tous les groupes. Les faons des mères traitées étaient plus petits à la naissance, ils présentaient une mortalité post-partum plus élevée et ils accusaient un retard pondéral. Des damalisques à front blanc (Damaliscus dorcas phillipsi) ont reçu de la dieldrine dans leur régime alimentaire pendant 90 jours. Aucun des animaux qui ont reçu 5 ou 15 mg de dieldrine/kg d'aliments n'est mort durant l'étude, mais tous les animaux qui ont reçu la dose la plus élevée sont morts en moins de 24 jours.

    La demi-vie de la dieldrine dans les sols tempérés est d'environ 5 ans. Cette persistance, alliée à une solubilité élevée dans les lipides, confère à la dieldrine les propriétés nécessaire pour

    être bioconcentrée et bioamplifiée dans les organismes. On a calculé des facteurs de bioconcentration de 12 500 chez le guppy et de 13 300 chez le chabot. Il est probable que la dieldrine est bioconcentrée plutôt que bioaccumulée par les organismes aquatiques. Les propriétés chimiques de la dieldrine (faible solubilité dans l'eau, stabilité élevée et semi-volatilité) favorisent son transport sur de longues distances. La dieldrine a été détectée dans l'air, l'eau et les organismes de l'Arctique.

    On a détecté des résidus de dieldrine dans l'air, l'eau, le sol, les poissons, les oiseaux et les mammifères, y compris chez les humains, et dans le lait humain. Comme l'aldrine se transforme rapidement en dieldrine dans l'environnement et chez les organismes, les concentrations de dieldrine détectées sont probablement le reflet des concentrations totales de ces deux composés.

    En Égypte, on estime à 1,22 mg/kg de poids corporel la dose journalière de dieldrine que reçoit un nouveau-né allaité. Le régime alimentaire est la principale source d'exposition de l'ensemble de la population. Dans une étude sur le lait pasteurisé aux É.-U., la dieldrine a été le deuxième pesticide le plus couramment détecté, soit dans 172 des 806 échantillons composites analysés, à une concentration maximale de 0,003 ppm. Des résidus de dieldrine ont été détectés dans 9 des 602 (1,5 %) échantillons de graisses et d'oeufs provenant d'animaux domestiques au Canada, à une concentration maximale de 0,050 mg/kg. De la dieldrine a également été détectée dans la viande, en Espagne : 20 à 40 parties par milliards dans la graisse de 8 à 15 % des produits de porc (viande, saucisse fumée, saucisson) et de 28 % des saucisses de volaille fraîches. On a détecté des résidus de dieldrine dans des préparations orientales à base de haricots, à raison de 3,45 parties par milliard. On a calculé que la dose journalière moyenne d'aldrine et de dieldrine en Inde était de 19 mg par personne, ce qui dépasse la dose journalière admissible recommandée par la Réunion conjointe FAO/OMS sur les résidus de pesticides qui est de 6,0 mg/60 kg de poids corporel. Les produits laitiers, tels le lait et le beurre, de même que les graisses animales étaient les principales sources d'exposition. On a estimé à 0,55 mg par personne l'exposition par les aliments au Vietnam.

    6.5 POLYCHLORODIBENZO-p-DIOXINES ET POLYCHLORODIBENZOFURANES

    Propriétés chimiques

     

    Dioxines

    Groupe de congénères Poids moléculaire

    (g/mole)

    Pression de vapeur

    (Pa x 10-3)

    Solubilité dans l'eau

    (mg/m3)

    Log KOW
    M1CDD 218,5 73-75 295-417 4,75-5,00
    D2CDD 253,0 2,47-9,24 3,75-16,7 5,60-5,75
    T3CDD 287,5 1,07 8,41 6,35
    T4CDD 322,0 0,00284-0,275 0,0193-0,55 6,60-7,10
    P5CDD 356,4 0,00423 0,118 7,40
    H6CDD 391,0 0,00145 0,00442 7,80
    H7CDD 425,2 0,000177 0,0024 8,00
    O8CDD 460,0 0,000953 0,000074 8,20

     

     

    Furanes

    Groupe de congénères Poids moléculaire

    (g/mole)

    Pression de vapeur

    (Pa x 10-3)

    Solubilité dans l'eau

    (mg/m3)

    Log KOW
    D2CDF 237,1 14,6 14,5 5,44
    T3CDF 306,0 0,199 0,419 6,1
    P5CDF 340,42 0,0172 0,236 6,5
    H6CDF 374,87 0,0031-0,0036 0,0177-0,0083 7,0
    H7CDF 409,31 0,00054-0,00057 0,00135 7,4
    O8CDF 443,8 0,000101 0,00116 8,0

    Les polychlorodibenzo-para-dioxines (dioxines) et les polychlorodibenzofuranes (furanes) sont deux groupes de composés tricycliques planaires qui ont une structure et des propriétés chimiques très semblables. Ils peuvent contenir de 1 à 8 atomes de chlores; les dioxines ont 75 isomères de position possibles et les furanes 135. Ils sont généralement très peu solubles dans l'eau, lipophiles et très persistants. Les propriétés chimiques de chacun de ces isomères n'ont pas été élucidées, ce qui complique la discussion de leurs propriétés qui varient selon le nombre d'atomes de chlore présents. Les dioxines et les furanes ne sont pas produits commercialement et ils n'ont aucune utilité connue. Il s'agit de sous-produits résultant de la fabrication d'autres produits chimiques. Les dioxines peuvent pénétrer dans l'environnement par suite de la production de pesticides et d'autres substances chlorées. Les furanes sont des contaminants importants des BPC. Les dioxines et les furanes sont liés à diverses réactions d'incinération et à la synthèse et à l'utilisation de divers produits chimiques. Des dioxines et des furanes ont été détectés dans les émissions provenant de l'incinération de déchets d'hôpitaux, de déchets municipaux et de déchets dangereux, dans les émissions des véhicules automobiles et dans les émissions provenant de l'incinération du charbon, de la tourbe et du bois. Dix-sept des 210 dioxines et furanes contribuent de façon importante à la toxicité des mélanges complexes. Afin de faciliter la comparaison des mélanges, on a attribué un facteur d'équivalence de la toxicité (FET) à chaque dioxine et à chaque furane à partir d'une comparaison de leur toxicité par rapport à celle de la 2,3,7,8-tétrachlorodibenzodioxine (2,3,7,8-TCDD). Par exemple, on a montré que le 2,3,7,8-TCDF est environ dix fois moins toxique que la 2,3,7,8-TCDD dans des épreuves chez les animaux, et son FET est égal à 0,1. Les FET sont considérés comme des outils de gestion du risque et n'indiquent pas nécessairement la toxicité réelle de la substance relativement à tous les paramètres pertinents. Ils ont plutôt tendance à surestimer la toxicité des mélanges.

    Le seul effet persistent associé jusqu'à maintenant à une exposition aux dioxines chez les humains est la chloracné. D'autres effets sur la santé ont été signalés : neuropathies périphériques, fatigue, dépression, changements de la personnalité, hépatite, hypertrophie du foie, taux enzymatiques anormalement élevés et porphyrie cutanée tardive, mais une relation causale n'a été établie dans aucun cas. Les résultats d'une étude sur 1 520 travailleurs ayant été exposés à la 2,3,7,8-TCDD pendant des périodes d'au moins un an, et avec une période de latence d'au moins vingt ans entre l'exposition et le diagnostic d'une maladie, ont révélé une mortalité légèrement mais significativement plus élevée par sarcome des tissus mous et par cancer de l'appareil respiratoire. Comme dans d'autres études, l'interprétation des résultats était limitée par le petit nombre de décès et par des facteurs confusionnels possibles comme le tabagisme et d'autres expositions professionnelles. Dans deux études récentes, on a suivi une jeune population dans la région de Seveso, en Italie, où a eu lieu un incident industriel. Dans la première, une étude sur le cancer, on a examiné une cohorte de personnes âgées de 0 à 19 ans vivant dans la région de l'incident entre 1977 et 1986. On a observé une tendance constante indiquant un risque accru, mais aucun des risques relatifs n'était significativement élevé. On a également observé une augmentation non significative du cancer de la thyroïde et de la leucémie myéloïde. L'étude est toutefois limitée par les périodes de latence relativement courtes, la définition de l'exposition basée sur le lieu de résidence et le nombre limité d'événements. Dans la deuxième étude, on a examiné la mortalité de la même cohorte de personnes pendant la même période. Parmi les personnes exposées, la mortalité toutes causes n'a pas dévié des valeurs prévue, mais, comme on l'a signalé plus haut, cette étude ne fournit que des données limitées. On a signalé une exposition directe d'humains à des furanes dans deux incidents liés à la contamination d'huile de riz par des BPC eux-mêmes contaminés par des PCDF au Japon (Yusho) et à Taïwan (Yucheng). Il est possible que les effets observés lors de ces incidents soient dus à la présence de furanes, mais la similarité de la structure, des effets et du mode d'action des BPC et des PCDF empêche de tirer une conclusion définitive sur l'agent causal.

    La toxicité orale aiguë chez des animaux de laboratoire est très variable, les valeurs de DL50 étant comprises entre 0,6 mg/kg de poids corporel chez le cobaye et 1,157 mg/kg chez le hamster. Les effets d'une exposition aux dioxines qui sont communs à la plupart, et parfois à toutes, les espèces sont : syndrome de dépérissement, involution lymphoïde, hépatotoxicité, chloracné, changements épidermiques et lésions gastriques. On a également observé d'autres réponses caractéristiques : oedème, ascites et hypopéricarde chez le poulet; mort et résorption du foetus chez le rat et résorption du foetus, embryotoxicité et malformations chez la souris. Une étude sur trois générations a été effectuée chez des rats dont le régime alimentaire renfermait de la 2,3,7,8-TCDD. On a observé une réduction significative de la fertilité et de la survie des nouveau-nés dans le groupe de la f0 ayant reçu 0,1 mg de TCDD/kg/jour. À la dose de 0,01 mg de TCDD/kg/jour, la fertilité a été significativement réduite chez les générations f1 et f2. On a également observé une diminution de la taille de la portée, de la survie des foetus, de même que de la survie et de la croissance des nouveau-nés à cette dose. On n'a pas observé d'effet sur la fertilité, la taille de la portée ou le poids corporel post-natal dans aucune des générations du groupe ayant reçu 0,001 mg de TCDD/kg/jour. Certains effets tératogènes ont été observés chez la souris après une exposition à des dioxines et à des furanes, notamment l'hydronéphrose et la fente palatine. L'isomère le plus tératogène était le 2,3,4,7,8-pentachlorodibenzofurane, dont la DE50 était de 36 mg/kg pour la fente palatine et de 7 mg/kg pour l'hydronéphrose. Les réactions tératogènes observées sont semblables à celles observées avec la TCDD, mais ces composés sont dix à 100 fois moins puissants.

    Les dioxines, notamment la 2,3,7,8-TCDD, sont associées à divers effets nocifs sur les appareils génitaux des rats mâles et femelles. La toxicité pour la reproduction chez les mâles comprend un effet sur la régulation de la sécrétion de l'hormone lutéinisante, une réduction de la stéroïdogenèse testiculaire, une réduction des concentrations d'androgènes plasmatiques, une réduction du poids des testicules et des organes sexuels annexes, une morphologie anormale des testicules, une diminution de la spermatogenèse et une diminution de la fertilité. Les signes de toxicité pour la reproduction chez les femelles comprennent des irrégularités hormonales dans le cycle oestral, une réduction de la taille de la portée et une diminution de la fertilité. Un examen de la littérature récente concernant les effets de la 2,3,7,8-TCDD sur l'immunocompétence indique que la 2,3,7,8-TCDD affecte indirectement (dans le cas des lymphocytes T) ou directement (dans le cas des lymphocytes B) la maturation ou le processus de différenciation des cellules immunocompétentes. Des études chez des populations humaines exposées et chez des primates non humains ont montré que les hydrocarbures aromatiques halogénés sont responsables d'altérations mesurables dans l'immunité naturelle et l'immunité acquise, bien que des déficits importants de l'immunocompétence n'aient pas été associés de façon concluante à ces altérations. Le CIRC est arrivé à la conclusion que les preuves de la cancérogénicité de la 2,3,7,8-TCDD chez les humains sont insuffisantes, mais qu'elles sont suffisantes chez les animaux expérimentaux. Le CIRC a classé la 2,3,7,8-TCDD parmi les agents cancérogènes probables pour les humains (Groupe 2B). Les autres dibenzodioxines chlorées (autres que la 2,3,7,8-TCDD) sont jugés inclassables sur le plan de leur cancérogénicité chez les humains.

    L'exposition des poissons aux dioxines et aux furanes se traduit par une mortalité retardée qui peut se poursuivre quelques jours après l'exposition. Des truites arc-en-ciel exposées à la 2,3,7,8-TCDD et au 2,3,7,8-TCDF pendant 28 jours, puis soumises à une période de dépuration de 28 jours, présentaient une CL50 de 56 jours de 46 pg/L pour la TCDD et une CSEO pour les TCDD basée sur la croissance et la mortalité inférieure à la concentration d'exposition la plus faible de 38 pg/L. On a calculé une CSEO de 56 jours de 1,79 ng de TCDF/L pour la mortalité et de 0,41 ng/L pour la croissance. La mortalité et les changements du comportement comme la nage léthargique, l'inhibition de l'alimentation et l'absence de réponse aux stimuli extérieurs se sont poursuivis après la période d'exposition de 28 jours. Les premiers stades de croissance des poissons sont très sensibles aux effets des dioxines, des furanes et des BPC. Des concentrations de l'ordre des parties par billion de ces produits chimiques à la structure apparentée sont toxiques pour les oeufs du touladi et de la truite arc-en-ciel, une toxicité qui se manifeste par la mortalité des alevins vésiculés associée à de l'oedème et à des hémorragies du sac vitellin.

    Des oeufs de grand héron prélevés à des endroits où la contamination est faible, intermédiaire et élevée présentaient des concentrations de 2,3,7,8-TCDD de 10 ng/kg (poids frais), de 135 ng/kg et de 211 ng/kg, respectivement. Aucun effet n'a été observé sur la mortalité des héronneaux, mais les effets de la contamination comprenaient une réduction de la croissance générale et des os qui augmentait avec la concentration des TCDD et un oedème sous-cutané qui augmentait avec la contamination par les PCDD et les PCDF. On a également observé des becs plus courts et des follicules du duvet plus rares chez les héronneaux aux endroit plus contaminés. Des visons chez qui on a administré des TCDD ont présenté le syndrome de dépérissement associé à une intoxication par les TCDD et des lésions gastriques à des doses plus élevées. On a calculé une DL50 de 28 jours de 4,2 mg de TCDD/kg de poids corporel.

    Les dioxines et les furanes sont considérés comme très stables et persistants, comme on peut en juger par la demi-vie de 10 à 12 ans pour les TCDD dans le sol. Cette persistance, alliée à des coefficients de partage élevés (jusqu'à 8,20 pour l'OCDD), confère à ces composés les propriétés nécessaire pour être bioconcentrés dans les organismes. Des facteurs de bioconcentration de 26 707 ont été signalés chez la truite arc-en-ciel (Salmo gairdneri) exposée à la 2,3,7,8-TCDD. Les propriétés chimiques des dioxines et des furanes (faible solubilité dans l'eau, stabilité élevée et semi-volatilité) favorisent leur transport sur de longues distances; ces composés ont été détectés dans les organismes de l'Arctique.

    Comme pour la plupart des autres organochlorés, les aliments sont une source importante de dioxines et de furanes chez la population en général, les aliments d'origine animale étant la source la plus importante. Lors d'une enquête sur la présence de dioxines dans les aliments aux É.-U., la somme des PCDD et des PCDF était comprise entre 0,42 et 61,8 parties par billion (poids frais) (fourchette des FET totaux : 0,02 à 1,5 parties par billion). On a estimé la dose journalière chez les adultes à 0,3-3,0 pg de FET/kg de poids corporel, et chez les nouveau-nés allaités à 35,3-52,6 pg de FET/kg de poids corporel. Une estimation récente établissait la dose journalière moyenne pour les adultes en Allemagne, au Canada et aux Pays-Bas à 2, 1,52 et 1 pg de FET/kg de poids corporel, respectivement. Ces valeurs sont inférieures à la DJA de 10 pg/kg de poids corporel pour une exposition au cours de la vie entière, estimée par l'OMS.

    6.6 ENDRINE

    Propriétés chimiques

    Désignation chimique CAS :

    3,4,5,6,9,9-Hexachloro-1a,2,2a,3,6,6a,7,7a-octahydro-2,7:3,6-diméthanonapht[2,3-b]oxirène.

    Synonymes et noms chimiques (liste partielle) : Compound 269, Endrex, Hexadrin, Époxyde d'isodrine, Mendrin, Nendrin.

    No CAS : 72-20-8; formule moléculaire : C12H8Cl6O; poids formulaire : 380,92.

    Aspect : Solide cristallin blanc inodore à l'état pur; le produit de qualité technique est de couleur havane pâle et a une légère odeur chimique.

    Propriétés : Point de fusion : 200 NC; point d'ébullition : 245 NC (se décompose); KH : 5,0 x 10-7 atm × m3/mol; log KOW : 3,209-5,339; solubilité dans l'eau : 220-260 mg/L à 25 NC; pression de vapeur : 7 x 10-7 mm Hg à 25 NC.

    L'endrine est un insecticide foliaire utilisé principalement sur les plantes de grande culture comme le coton et les céréales. Il a également été utilisé comme rodenticide pour lutter contre les souris et les campagnols. Il est rapidement métabolisé chez les animaux et ne s'accumule pas autant dans les graisses que d'autres composés de structure semblable. Il peut pénétrer dans l'atmosphère par volatilisation et il peut contaminer les eaux de surface par le ruissellement. L'endrine est interdite dans de nombreux pays : Belgique, Chypre, Équateur, Finlande, Israël, Philippines, Singapour, Thaïlande et Togo. Son usage est limité dans de nombreux pays : Argentine, Canada, CE, Chili, Colombie, É.-U., Inde, Japon, Nouvelle-Zélande, Pakistan et Venezuela.

    Dans une étude chez des travailleurs oeuvrant dans la production d'aldrine, de dieldrine et d'endrine, on n'a pas trouvé d'endrine dans le sang des travailleurs, sauf en cas de surexposition aiguë accidentelle. Ces résultats concordent avec ceux d'une étude chez 71 travailleurs dans une usine de production d'endrine aux É.-U. On n'a observé aucune différence entre les travailleurs exposés à l'endrine et d'autres travailleurs oeuvrant dans d'autres usines chimiques en ce qui concerne l'absentéisme, les résultats des épreuves fonctionnelles hépatiques, le profil biochimique sanguin, la morphologie des éléments figurés du sang, l'analyse des urines, la présence d'une sensibilisation, la fréquence et le profil de maladies, notamment l'apparition de tumeurs malignes. Dans une étude sur des travailleurs oeuvrant dans la fabrication d'aldrine, de dieldrine et d'endrine, on a observé une augmentation statistiquement significative des cancers du foie et des voies biliaires, mais l'étude comportait certaines lacunes comme l'absence de données quantitatives sur l'exposition. Des données limitées indiquent que les cyclodiènes comme l'endrine peuvent également déprimer le système immunitaire.

    La DL50 orale aiguë de l'endrine est comprise entre 3 mg/kg de poids corporel chez le singe et 36 mg/kg chez le cobaye. Des rats Long-Evans mâles et femelles ont reçu de l'endrine dans leur régime alimentaire pendant trois générations. On n'a observé aucune différence dans l'aspect, le comportement, le poids corporel ou le nombre de portées ou leur taille. Les poids du foie, des reins et du cerveau étaient normaux, et aucune anomalie histopathologique n'a été décelée chez les ratons sevrés de la troisième génération. On a observé une augmentation significative de la mortalité des petits de la deuxième et de la troisième génération des rats qui ont reçu 3 mg d'endrine par kg. L'endrine ne s'est pas révélée tératogène à des concentrations non toxiques pour la mère. L'endrine est métabolisée rapidement chez les animaux, et il s'en accumule très peu dans les graisse comparativement a d'autres composé de structure similaire (y compris son stéréoisomère, la dieldrine). On considère que la 12-hydroxyendrine est le principal métabolite de l'endrine. Le CIRC est arrivé à la conclusion que les preuves de la cancérogénicité de l'endrine chez les humains sont insuffisantes et qu'elles sont limitées chez les animaux expérimentaux. L'endrine ne peut donc pas être classée parmi les agents cancérogènes pour les humains (Groupe 3).

    L'endrine est très toxique pour les poissons, la plupart des valeurs de CL50 étant inférieures à 1,0 mg/L. Des embryons de méné tête-de-mouton exposés pendant 23 semaines à des concentrations d'endrine de 0,31 et de 0,72 mg/L ont éclos précocement, et tous ceux qui avaient été exposés à la concentration de 0,72 mg/L sont morts dans les neuf jours suivant l'exposition, alors que ceux qui avaient été exposés à la concentration de 0,31 mg/L accusaient au début un retard de croissance et sont morts dans une certaine proportion. La capacité de reproduction des survivants à la concentration de 0,31 mg/L était réduite. Aucun effet significatif n'a été observé à une concentration d'exposition de 0,12 mg/L. La concentration minimale avec effet nocif observé chez les organismes aquatiques était de 30 ng/L sur 20 jours pour la reproduction de la mysis. La reproduction de canards mallards mâles et femelles n'a pas été influencée par des régimes alimentaires renfermant 0, 0,5 et 3,0 mg d'endrine par kg.

    La demi-vie de l'endrine dans le sol peut atteindre 12 ans selon les conditions locales. Cette persistance, alliée à un coefficient de partage élevé (log KOW ' 3,21-5,340) confère à l'endrine les propriétés nécessaires pour être bioconcentrée dans les organismes. Un facteur de bioconcentration de 6 400 a été enregistré pour le méné tête-de-mouton exposé à l'endrine,du stade embryonnaire jusqu'à l'adulte. Le crapet arlequin exposé à de l'eau renfermant de l'endrine marquée au 14C a capté 91 % de l'endrine marquée en 48 heures, et la demi-vie de la perte par les tissus était d'environ quatre semaines. Leiostomus xantharus exposé à 0,05 mg d'endrine par L pendant 5 mois présentait une concentration de résidus d'endrine dans les tissus de 78 mg/kg de tissu. Après 18 jours dans de l'eau non contaminée, aucun résidu n'a été détecté, ce qui indique que cet organisme se débarrasse rapidement de l'endrine.

    Les propriétés chimiques de l'endrine (faible solubilité dans l'eau, stabilité élevée dans l'environnement et semi-volatilité) favorisent son transport sur de longues distances; on l'a détecté dans les eaux douces de l'Arctique. La principale source d'exposition de l'ensemble de la population à l'endrine sont les résidus que l'on retrouve dans les aliments, mais la dose absorbée de nos jours est en général inférieure à la dose journalière admissible de 0,0002 mg/kg de poids corporel, recommandée par la Réunion conjointe FAO/OMS sur les résidus de pesticides. Les enquêtes récentes sur les aliments n'ont en général pas inclus l'endrine, d'où l'absence de données de surveillance récentes.

    6.7 HEXACHLOROBENZÈNE

    Propriétés chimiques

    Désignation chimique CAS : Hexachlorobenzène

    Noms commerciaux : (liste partielle) : Amaticin, Anticarie, Bunt-cure, Bunt-no-more, Co-op hexa, Granox, No bunt, Sanocide, Smut-go, Sniecotox.

    No CAS : 118-74-1; formule moléculaire : C6Cl6; poids formulaire : 284,78.

    Aspect : Cristaux monocliniques ou solide cristallin de couleur blanche.

    Propriétés :Point de fusion : 227-230 NC; point d'ébullition : 323-326 NC (se sublime); KH : 7,1 x 10-3 atm × m3/mol à 20 NC; log KOC : 2,56-4,54; log KOW : 3,03-6,42; solubilité dans l'eau : 40 mg/L à 20 NC; pression de vapeur : 1,089 x 10-5 mm Hg à 20 NC.

    L'hexachlorobenzène (HCB) est un fongicide qui a été introduit la première fois en 1945 pour le traitement des semences, notamment contre la carie du blé. L'HCB est également un sous-produit de la fabrication de produits chimiques industriels comme le tétrachlorure de carbone, le perchloroéthylène, le trichloroéthylène et le pentachlorobenzène. Il est présent à titre d'impureté dans plusieurs formulations de pesticides, notamment le pentachlorophénol et le diclorame, et probablement dans d'autres. L'HCB est très peu soluble dans l'eau et est soluble dans les solvants organiques. Il est assez volatil et donc susceptible de se distribuer dans l'atmosphère. Il est très résistant à la dégradation et son coefficient de partage est élevé (KOW ' 3,03-6,42), ce qui lui permet d'être bioconcentré dans les graisses des organismes vivants. L'HCB a été interdit dans les pays suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, CE, Danemark, Hongrie, Liechtenstein, Panama, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suisse, Tchécoslovaquie, Turquie et URSS. L'Argentine, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et la Suède ont sévèrement limité son utilisation ou l'ont retiré volontairement.

    L'épisode le plus remarquable associé à des effets de l'HCB sur des humains a trait à l'ingestion de semences de céréales traitées à l'HCB dans l'est de la Turquie entre 1954 et 1959. Les patients qui ont ingéré les semences traités ont souffert de divers symptômes : lésions cutanées photosensibles, hyperpigmentation, hirsutisme, coliques, faiblesse sévère, porphyrinurie et débilitation. De 3 000 à 4 000 personnes ont été atteintes de porphyrie turcique, un trouble de la biosynthèse de l'hème. La mortalité a atteint jusqu'à 14 %. Les mères qui ont ingéré les semences ont transmis l'HCB à leurs enfants par passage placentaire et par leur lait. Les enfants de ces femmes ont été atteints de lésions appelées * pembe yara + responsables d'un taux de mortalité d'environ 95 %. Une étude effectuée chez 32 sujets vingt ans après a montré que la porphyrie peut persister pendant des années après l'ingestion d'HCB. Dans une petite étude transversale chez des travailleurs exposés à l'HCB, on n'a trouvé aucun signe de porphyrie cutanée ou de tout autre effet nocif associé à une exposition de 1 à 4 ans.

    La toxicité aiguë de l'HCB pour les animaux de laboratoire est assez faible, les valeurs de DL50 orale aiguë étant comprises entre plus de 2 600 mg/kg de poids corporel chez le lapin et 4 000 mg/kg chez la souris. On a signalé la porphyrie, des lésions cutanées, une hyperexcitabilité et des variations de poids, d'activités enzymatiques et de la morphologie du foie en association avec une exposition subchronique à l'HCB. On a également signalé que l'HCB est responsable d'effets nocifs sur la reproduction et les tissus de l'appareil génital. La mortalité était élevée chez les petits de rates dont le régime alimentaire renfermait de l'HCB; la DL50 de 21 jours était 100 ppm. Une étude sur la reproduction chez des rats dont le régime alimentaire renfermait de l'HCB a porté sur quatre générations. L'HCB influençait la reproduction en réduisant le nombre de portées, la taille de la portée et le nombre de ratons survivant jusqu'au sevrage. Dans une autre étude, l'HCB à une concentration de 100 mg/kg de poids corporel/jour a été associé à des fentes palatines et à certaines malformations des reins chez des souris CD-1. Dans plusieurs études chez le macaque de Buffon, une exposition à l'HCB s'est traduite par des changements dégénératifs de l'épithélium de surface de l'ovaire, la suppression de la progestérone sérique, l'atrophie du cortex thymique, une réduction du nombre de lymphocytes, des changements dégénératifs des ovaires et des reins et des changements dégénératifs du foie correspondant à une porphyrie tardive. Le CIRC est arrivé à la conclusion que les preuves de la cancérogénicité de l'HCB chez les humains sont insuffisantes, mais qu'elles sont suffisantes chez les animaux expérimentaux. Le CIRC a donc classé l'HCB parmi les agents cancérogènes probables pour les humains (Groupe 2B).

    L'HCB est peu susceptible d'avoir des effets toxiques directs chez les animaux aquatiques aux concentrations de saturation dans l'eau (environ 5 mg/L) ou en deçà. À une concentration d'exposition de 4,8 mg d'HCB/L pendant 32 jours, on n'a observé aucun effet sur la tête-de-boule (Pimephales promelas) du stade de l'embryon jusqu'au stade du juvénile, ce qui a donné une CSEO de 4,8 mg/L. Le cladocère Daphnia magna, les amphipodes Hylella azeteca et Gammarus lacustris, l'annélide Lumbricus variegatus et la tête-de-boule Pimephales promelas ont été exposés à de l'HCB à sa concentration de saturation (5 mg/L) pendant 68 jours. On n'a observé aucun effet sur la survie, la croissance ou la reproduction. Des cailles du Japon (Coturnix japonicus) adultes dont le régime alimentaire renfermait de l'HCB pendant 90 jours ont présenté une mortalité accrue à 100 mg/g d'aliments et un taux d'éclosion des oeufs significativement réduit à 20 mg/g. À 5 mg/g, on a observé une augmentation du poids du foie, de légers dommages au foie et une excrétion fécale accrue de coproporphyrine. Des expériences menées chez le vison (Mustela vison) et le putois (Mustela putorius furo) dont le régime alimentaire renfermait de l'HCB ont entraîné la mort des animaux adultes à des doses plus élevées (125 et 625 mg d'HCB/kg d'aliments) et une réduction de la taille de la portée, une augmentation du pourcentage de la mortinaissance, une augmentation de la mortalité des petits et une réduction de leur croissance. Le vison était généralement plus sensible que le putois aux effet de l'HCB. Les résultats d'une autre étude indiquent qu'une exposition in utero à l'HCB se traduisait par une mortalité plus élevée des petits que lorsque l'exposition provenait du lait de la mère.

    L'HCB est très persistant. Sa demi-vie dans le sol à partir d'études de dégradation aérobie et anaérobie a été estimée à 2,7-22,9 années. Cette persistance, alliée à un coefficient de partage élevé (log KOW ' 3,03-6,42), confère à l'HCB les propriétés nécessaires pour être bioconcentré dans les organismes. Des facteurs de bioconcentration de 22 000 et de 106 840 ont été signalés chez la tête-de-boule et Lumbricus variegatus, respectivement. Les propriétés chimiques de l'HCB (faible solubilité dans l'eau, stabilité élevée et semi-volatilité) favorisent son transport sur de longues distances; l'HCB a été détecté dans l'air, l'eau et les organismes de l'Arctique.

    On retrouve de l'HCB partout dans l'environnement, de même que dans tous les types d'aliments. L'HCB a été d'un des deux organochlorés détectés dans tous les échantillons de viande et de produits de viande en Espagne, sa concentration moyenne variant de 8 parties par milliard (poids des graisses) dans les produits de porc (jambon fumé) à 49 parties par milliard dans la viande d'agneau; une concentration maximale de 178 parties par milliard a été mesurée dans l'agneau. De l'HCB a été détecté dans 13 des 241 échantillons de sérum prélevés chez des bovins du Colorado dans le cadre d'un programme de surveillance, la concentration moyenne étant de 3,1 parties par milliard. Dans une enquête sur le lait pasteurisé aux É.-U., on a détecté de l'HCB dans 8 des 806 échantillons composites de lait. Dans une étude sur des aliments en Inde, on a mesuré des concentrations moyennes d'HCB comprises entre 1,5 ng/g (poids des graisses) dans des huiles et le lait et 9,1 ng/g dans le poisson et les crevettes; les concentrations maximales décelées étaient de 28 ng/g chez le poisson et les crevettes, et la dose journalière a été estimée à 0,13 mg par personne. Au Vietnam, la concentration moyenne de résidus d'HCB dans les aliments était comprise entre 0,28 ng/g (poids des graisses) dans des légumineuses et 27 ng/g dans le caviar; la dose journalière a été estimée à 0,10 mg par personne.

    6.8 HEPTACHLORE

    Propriétés chimiques

    Désignation chimique CAS :

    1,4,5,6,7,8,8-Heptachloro-3a,4,7,7a-tétrahydro-4,7-méthanol-1H-indène.

    Synonymes et noms commerciaux (liste partielle) : Aahepta, Agroceres, Baskalor, Drinox, Drinox H-34, Heptachlorane, Heptagran, Heptagranox, Heptamak, Heptamul, Heptasol, Heptox, Soleptax, Rhodiachlor, Veliscol 104, Veliscol heptachlor.

    No CAS : 76-44-8; formule moléculaire : C10H5Cl7; poids formulaire : 373,32.

    Aspect : Solide cireux ou cristaux blancs à havane pâle, à odeur camphrée.

    Propriétés : Point de fusion : 95-96 NC (pur), 46-74 NC (technique) ; point d'ébullition : 135-145 NC à 1-1,5 mm Hg, se décompose à 760 mm Hg; KH : 2,3 x 10-3 atm × m3/mol; log KOC : 4,38; log KOW : 4,40-5,5; solubilité dans l'eau : 180 parties par milliard à 25 NC; pression de vapeur : 3 x 10-4 mm Hg à 20 NC.

     

    L'heptachlore est un insecticide d'ingestion et de contact utilisé principalement contre les insectes terrestres et les termites. On l'a également utilisé contre les ravageurs du coton, les sauterelles, certains ravageurs agricoles et pour combattre le paludisme. L'heptachlore est très peu soluble dans l'eau et est soluble dans les solvants organiques. Il est assez volatil et peut donc vraisemblablement se distribuer dans l'atmosphère. Il se fixe rapidement aux sédiments aquatiques et est bioconcentré dans les graisses des organismes vivants. L'heptachlore est métabolisé chez les animaux en époxyde d'heptachlore, dont la toxicité est semblable à celle de l'heptachlore et qui peut également être stocké dans les graisses animales. Les pays suivants ont interdit l'heptachlore : Chypre, CE, Équateur, Portugal, Singapour, Suède, Suisse et Turquie. Les pays suivants en ont limité sévèrement l'utilisation : Argentine, Autriche, Canada, Danemark, É.-U., Finlande, Israël, Japon, Nouvelle-Zélande, Philippines, Tchécoslovaquie et URSS.

    On ne possède pas de données sur des intoxications accidentelles ou des suicides par l'heptachlore chez les humains. Les symptômes chez les animaux sont des tremblements et des convulsions. Une étude chez les travailleurs d'une usine de production d'heptachlore et d'endrine a révélé une augmentation significative du cancer de la vessie. Ce résultat fut inattendu, car aucun agent causant le cancer de la vessie n'était utilisé dans cette usine; toutefois, le petit nombre de décès (3) rend difficile l'interprétation de ces résultats. Aucun décès par cancer du foie ou des voies biliaires n'a été observé, mais la mortalité par accident cérébrovasculaire était plus élevée que prévu. Des données limitées indiquent que les cyclodiènes, comme l'heptachlore, peuvent avoir un effet sur le système immunitaire.

    La DL50 orale aiguë d'heptachlore pour les animaux de laboratoire est comprise entre 40 mg/kg de poids corporel chez le rat et 116 mg/kg chez le lapin. On a administré à des groupes de rats mâles et femelles des doses quotidiennes d'heptachlore par voie orale à partir de l'âge de 4 mois, pendant 200 jours. Tous les animaux des groupes recevant 50 et 100 mg/kg sont morts avant le 10e jour d'exposition. Trois animaux dans le groupe recevant 5 mg/kg et un dans le groupe témoin sont morts avant la fin de l'étude. À partir du 50e jour de l'étude, on a observé une hyperréflectivité, une dyspnée et des convulsions chez les rats exposés à 5 mg/kg. Un examen histologique a révélé une dégénérescence graisseuse des cellules hépatiques et une infiltration graisseuse modérée de l'épithélium des tubules rénaux dans le groupe exposé à 5 mg/kg.

    Dans une étude sur la reproduction, des rats ont reçu de l'heptachlore dans leur régime alimentaire pendant trois générations. La mortalité des petits dans le groupe recevant 10 mg/kg était légèrement plus élevée au cours des deuxième et troisième semaines après la naissance à la deuxième génération seulement. On n'a observé aucun effet nocif aux doses plus faibles. L'OMS n'a relevé aucun signe de tératogénicité de l'heptachlore chez le rat et le lapin. Le CIRC est arrivé à la conclusion que les preuves de la cancérogénicité de l'heptachlore chez les humains sont insuffisantes, mais qu'elles sont suffisantes chez les animaux expérimentaux. Le CIRC a classé l'heptachlore parmi les agents cancérogènes probables pour les humains (Groupe 2B).

    L'heptachlore a été fortement impliqué dans le déclin de plusieurs populations d'oiseaux sauvages, dont la bernache du Canada et la crécerelle d'Amérique dans le bassin du fleuve Columbia, aux É.-U. Une population de bernaches du Canada dans le refuge national de la faune (National Wildlife Refuge) d'Umatilla, en Orégon, a présenté une réduction du succès de la reproduction et une mortalité plus élevée chez les adultes. Des résidus d'époxyde d'heptachlore ont été détectés dans le cerveau des oiseaux morts et dans les oeufs des nichées dont le succès de la reproduction était réduit. Le succès de la reproduction des crécerelles d'Amérique était également réduit dans la même région. Les résidus d'époxyde d'heptachlore dans les oeufs était liés à une productivité réduite. Comme les crécerelles ne sont pas granivores, la présence de résidus dans les oeufs indique que l'heptachlore est transférée par la chaîne alimentaire, la voie présumée d'exposition pour la bernache étant les graines. Les concentrations sur les graines traitées étaient inférieures aux doses d'utilisation recommandée, ce qui indique que la faune peut être affectée même lorsque l'heptachlore est utilisé de façon responsable.

    Des visons ont reçu de l'heptachlore dans leur régime alimentaire pendant 28 jours, puis on leur a alloué une période de récupération de 7 jours pour déterminer la toxicité subaiguë de l'heptachlore. La CSEO pour la mortalité était de 50 mg/kg (5,67 mg/kg de poids corporel/jour). Les signes de toxicité comprenaient une réduction de la consommation d'aliments et une perte de poids chez les visons recevant 25 mg d'heptachlore par kg d'aliments. Dans une autre étude, on a inclus de l'heptachlore dans le régime alimentaire de visons adultes mâles et femelles pendant 181 jours (avant et pendant la période de reproduction) pour déterminer les effets sur la reproduction. Tous les visons dont le régime alimentaire renfermait 25 mg/g sont morts, en moins de 88 jours dans le cas des mâles et en moins de 55 jours dans le cas des femelles. À partir de la croissance réduite des petits, on a calculé une concentration minimale avec effet nocif observé de 6,25 mg/g.

    La demi-vie de l'heptachlore dans les sols tempérés peut atteindre 2 ans. Cette persistance, alliée à un coefficient de partage élevé (KOW ' 4,4-5,5), confère à l'heptachlore les propriétés nécessaires pour être bioconcentré dans les organismes. On a calculé des facteurs de bioconcentration de 9 500 pour l'heptachlore et de 14 400 pour l'époxyde d'heptachlore chez la tête-de-boule (Pimephales promelas). Les propriétés chimiques de l'heptachlore (faible solubilité dans l'eau, stabilité élevée, semi-volatilité) favorisent son transport sur de longues distances. On a détecté de l'heptachlore et de l'époxyde d'heptachlore dans l'air, l'eau et les organismes de l'Arctique.

    L'OMS estime que le régime alimentaire est la principales source d'exposition de l'ensemble de la population à l'heptachlore. On a détecté de l'heptachlore dans le sang de bovins aux É.-U. et en Australie. En effet, on a trouvé de l'heptachlore dans 30 des 241 échantillons de bovins aux É.-U., et la LMR pour l'heptachlore était dépassée chez 0,02 % des bovins en Australie. Dans les deux cas, l'heptachlore était parmi les organochlorés les plus fréquemment détectés. On a estimé à 0,25 mg par personne la dose journalière d'heptachlore (heptachlore et époxyde d'heptachlore, chez une personne de 60 kg) au Vietnam et à 0,07 mg par personne (heptachlore seulement) en Inde.

    6.9 MIREX

    Propriétés chimiques

    Désignation chimique CAS :

    1,1a,2,2,3,3a,4,5,5a,5b,6-Dodécachlorooctahydro-1,3,4-méthéno-1H-cyclobutan[cd]pentalène.

    Synonymes et noms commerciaux (liste partielle) : Dechlorane, Ferriamicide, GC 1283

    No CAS : 2385-85-5; formule moléculaire : C10Cl12; poids formulaire : 545,5.

    Aspect : Solide cristallin blanc inodore.

    Propriétés : Point de fusion : 485 NC; pression de vapeur : 3 x 10-7 mm Hg à 25 NC.

    Le mirex est un insecticide d'ingestion dont l'activité par contact est faible. On l'a surtout utilisé contre la fourmi de feu dans le sud-est des États-Unis, mais également contre la fourmi coupeuse de feuilles en Amérique du Sud, contre le termite moissonneur en Afrique du Sud, contre la fourmi moissonneuse aux É.-U. et contre la cochenille de l'ananas à Hawaii. On a également envisagé de l'utiliser contre la guêpe jaune aux É.-U. On l'a également utilisé comme produit ignifuge dans les plastiques, le caoutchouc, le papier peint et les matériaux électriques. Le mirex est très résistant à la dégradation, il est très peu soluble dans l'eau et il est bioaccumulé et bioamplifié. À cause de son insolubilité, le mirex se lie fortement aux sédiments aquatiques.

    On n'a rapporté aucun dommage à des humains à la suite d'une exposition au mirex. On a signalé des résidus de mirex dans le tissu adipeux humain, soit 0,16 à 5,94 ppm dans 6 des 1 400 échantillons prélevés en 1971-1972 dans le sud des É.-U. Dans des échantillons prélevés dans 8 États du sud-est des É.-U., on a détecté des résidus dans 10,2 pour 100 de ceux qui ont été soumis aux mesures, et une moyenne géométrique de 0,286 ppm a été mesurée dans les lipides.

    Dans des études d'exposition aiguë chez le rat, on a déterminé une DL50 orale de 600 à plus de 3 000 mg/kg, selon le sexe de l'animal et la nature de la formulation de mirex utilisée. Les effets à court terme comprenaient une réduction de poids, une hépatomégalie, l'induction des oxydases à fonction mixte et des changements morphologiques dans les cellules hépatiques. Des rats ayant reçu 5 ppm de mirex dans leur régime alimentaire pendant 30 jours avant l'accouplement, et 90 jours par la suite, ont présenté une réduction de la taille de la portée et une augmentation de la mortalité des parents. On a observé une réduction de la taille de la portée et de la viabilité des nouveau-nés, ainsi que la formation de cataractes chez des rats ayant reçu 25 ppm de mirex dans leur régime alimentaire. Le CIRC est arrivé à la conclusion que les preuves de la cancérogénicité du mirex chez les humains sont insuffisantes, mais qu'elles sont suffisantes chez les animaux expérimentaux. Le CIRC a donc classé le mirex parmi les agents cancérogènes probables pour les humains (Groupe 2B).

    On a observé une réduction de la germination et de la levée de plusieurs espèces de plantes, et les effets augmentaient avec la concentration de mirex. On a également montré l'absorption, l'accumulation et la translocation du mirex par diverses espèces de plantes. Ces résultats sont toutefois douteux, car les composés lipophiles comme le mirex ne sont généralement pas absorbés par les végétaux et ne font habituellement pas l'objet de translocation. La contamination des plantes est principalement un phénomène superficiel résultant d'un dépôt d'émissions atmosphériques ou de composés qui se sont volatilisés à partir de la surface du sol.

    Les crustacés sont les organismes aquatiques les plus sensibles, surtout aux stades de larve et de juvénile. La mortalité retardée est un effet typique de l'intoxication des crustacés par le mirex. La survie de larves de crabe exposées à des concentrations de 0,1 et de 10 mg/L n'a pas été influencée pendant 5 jours suivant l'éclosion. La mortalité retardée s'est alors manifestée aux concentrations de 1 et de 10 mg/L. Le mirex est également toxique pour le poisson et peut avoir un effet sur son comportement. Le mirex est peu toxique à court terme pour les oiseaux : la DL50 orale aiguë est comprise entre 1 400 mg/kg de poids corporel chez le faisan et 10 000 mg/kg chez la caille.

    Le mirex est considéré comme l'un des pesticides les plus stables et les plus persistants; sa demi-vie peut atteindre 10 ans. Sa persistance alliée à sa lipophilie confère au mirex toutes les propriétés nécessaires pour être bioconcentré dans les organismes. On a observé des facteurs de bioconcentration de 2 600 chez la crevette rose et de 51 400 chez la tête-de-boule. Les propriétés chimiques du mirex (faible solubilité dans l'eau, solubilité élevée dans les lipides, stabilité élevée et semi-volatilité) favorisent son transport sur de longues distances; le mirex a été détecté dans les eaux douces et les organismes terrestres de l'Arctique. La principale voie d'exposition de l'ensemble de la population au mirex est le régime alimentaire, notamment la viande, le poisson et le gibier; la dose absorbée se situe généralement en deçà des limites maximales de résidus établies. On a trouvé des résidus de mirex dans un seul des 806 échantillons composites de lait prélevés lors d'une enquête sur le lait pasteurisé aux É.-U. On n'a découvert aucun résidu de mirex dans des échantillons de poisson en Égypte, ni dans des échantillons de graisses d'animaux d'élevage en Ontario (Canada).

    6.10 BIPHÉNYLES POLYCHLORÉS

    Propriétés chimiques

    Désignations commerciales pour différents mélanges (liste partielle) : Aroclor, Pyranol, Pyroclor, Phnoclor, Pyralene, Clophen, Elaol, Kanechlor, Santhotherm, Fenchlor, Apirolio, Sovol.

    No CAS : 1336-36-3

     

    Groupe de congénères

    Poids

    moléculaire

    (g/mole)

    Pression de vapeur

    (Pa)

    Solubilité

    dans l'eau

    (g/m3)

    log KOW
    Biphényles monochlorés

    188,7

    0,9-2,5

    1,21-5,5

    4,3-4,6

    Biphényles dichlorés

    223,1

    0,008-0,60

    0,06-2,0

    4,9-5,3

    Biphényles trichlorés

    257,5

    0,003-0,22

    0,015-0,4

    5,5-5,9

    Biphényles tétrachlorés

    292,0

    0,002

    0,0043-0,010

    5,6-6,5

    Biphényles pentachlorés

    326,4

    0,0023-0,051

    0,004-0,02

    6,2-6,5

    Biphényles hexachlorés

    360,9

    0,0007-0,012

    0,0004-0,0007

    6,7-7,3

    Biphényles heptachlorés

    395,3

    0,00025

    0,000045-0,0002

    6,7-7

    Biphényles octachlorés

    429,8

    0,0006

    0,0002-0,0003

    7,1

    Biphényles nonachlorés

    464,2

    -

    0,00018-0,0012

    7,2-8,16

    Biphényle décachloré

    498,7

    0,00003

    0,000001-0,000761

    8,26

    Les biphényles polychlorés (BPC) sont des mélanges d'hydrocarbures chlorés qui ont été massivement utilisés depuis 1930 pour divers usages industriels, notamment comme diélectriques dans les transformateurs et les gros condensateurs, comme liquides échangeurs de chaleur, comme additifs dans les peintures, ainsi que dans les papiers autocopiants et dans les plastiques. La valeur des BPC pour les applications industrielles est liée à leur inertie chimique, à leur résistance à la chaleur, à leur ininflammabilité, à leur faible pression de vapeur et à leur constante diélectrique élevée. Il existe 209 BPC possibles, à partir des trois isomères monochlorés jusqu'à l'isomère décachloré totalement substitué. En général, la solubilité dans l'eau et la pression de vapeur diminuent avec le degré de substitution par le chlore, et la solubilité dans les lipides augmente avec ce même degré de substitution. Les BPC dans l'environnement ne devraient pas se trouver en solution dans l'eau, mais ils devraient plutôt être associés aux composés organiques du sol, des sédiments et des tissus biologiques, ou avec le carbone organique dissous dans les systèmes aquatiques. En dépit de leur faible pression de vapeur, les BPC se volatilisent à partir de la surface des eaux, en partie à cause de leur hydrophobicité; le transport atmosphérique peut donc constituer un mécanisme important de distribution des BPC dans l'environnement.

    La toxicité des BPC dépend du nombre et de la position des atomes de chlore, car la substitution en ortho empêche la rotation des cycles. Les BPC non substitués en ortho sont habituellement appelés coplanaires et tous les autres sont non coplanaires. Les BPC coplanaires, comme les dioxines et les furanes, se lient au récepteur AL et peuvent donc exercer des effets semblables à ceux des dioxines, outre leurs effets indépendants du récepteur AL qu'ils partagent avec les BPC non coplanaires (p. ex. promoteur de tumeur). On a signalé une association entre une exposition élevée à des mélanges de BPC et des modifications des enzymes hépatiques, une hépatomégalie et des effets dermiques comme des rashs et de l'acné. Les effets nocifs sont surtout associés à des concentrations sanguines élevées.

    La contamination d'huile de riz par des BPC au Japon (1968) et à Taïwan (1979) s'est traduite par l'exposition d'un grand nombre de personnes aux BPC et à leurs contaminants, les PCDF. Les signes et symptômes de cette exposition étaient une hypertrophie et une hypersécrétion des glandes de Meibomius au niveau des paupières, un gonflement des paupières et une pigmentation des ongles et des membranes muqueuses, parfois associés à la fatigue, à des nausées et à des vomissements. On observait ensuite une hyperkératose et un noircissement de la peau, avec agrandissement folliculaire et éruptions acnéiformes, souvent avec une infection staphylococcique secondaire. Des enfants nés jusqu'à 7 ans après l'exposition de leur mère lors de l'incident de Taïwan présentaient une hyperpigmentation, des ongles déformés et des dents à la naissance, un retard de croissance intra-utérin, un piètre développement cognitif jusqu'à l'âge de 7 ans, des problèmes de comportement et un niveau d'activité plus élevé. Les enfants touchés semblaient * rattraper + la normale vers l'âge de 12 ans. Les enfants nés de sept à douze ans après l'exposition de leur mère présentaient un léger retard de développement, mais aucune différence de comportement. Les effets observés chez ces enfants sont probablement le résultat de la persistance des BPC dans l'organisme humain, résultant en une exposition prénatale longtemps après l'exposition de la mère. Ces effets concordent avec les observations d'une mauvaise mémoire à court terme dans la première enfance chez les enfants exposés avant leur naissance par l'entremise de leur mère qui avait consommé de grandes quantités de poisson de sport du lac Michigan renfermant des BPC et d'autres POP.

    Les personnes exposées dans le cadre de l'incident de Yucheng présentaient peu de résistance et souffraient de diverses infections. Un examen au cours de la première année a révélé une réduction de la concentration des IgM et des IgA, une diminution des pourcentages de lymphocytes T totaux, de lymphocytes T actifs et de lymphocytes T auxiliaires, mais des pourcentages normaux de lymphocytes B et de lymphocytes T-suppresseurs; une suppression de l'hypersensibilité retardée à un rappel d'antigènes; une augmentation de la prolifération spontanée des lymphocytes et une augmentation de la lymphoprolifération en réaction à certains mitogènes. Après trois ans, certains des effets, mais pas tous, avaient disparu. Les décès par cancer chez les hommes et les femmes travaillant dans la fabrication de condensateurs électriques étaient significativement plus élevés. On a observé une augmentation significative des tumeurs des tissus sanguins et des cancers du tube digestif chez les hommes. On a observé une augmentation non significative des cancers du poumon. L'étude était toutefois limitée à cause du petit nombre de décès.

    La toxicité aiguë des BPC est faible pour les animaux de laboratoire, les valeurs de DL50 orale aiguë chez le rat étant comprises entre 2 et 10 g/kg de poids corporel. Les effets se manifestent surtout par exposition chronique. On a observé des effets sur le foie, la peau, le système immunitaire, l'appareil génital, le tube digestif et la glande thyroïde associés à une exposition à des mélanges de BPC ou de congénères individuels. Des effets nocifs sur la reproduction ont été observés dans plusieurs études chez des singes exposés à des BPC : faible poids à la naissance, hyperpigmentation cutanée, troubles du comportement, atrophie du thymus et des ganglions lymphatiques, hypoplasie de la moelle osseuse et hyperplasie de la muqueuse gastrique. Des singes rhésus femelles soumises à un régime alimentaire renfermant de l'Aroclor 1016 ont été fécondées après 7 mois d'exposition à ce régime alimentaire. Le poids des petits à la naissance dans le groupe de 1,0 ppm était significativement réduit. On n'a pas observé d'effet tératogène des BPC dans des études chez des rats et des primates non humains par voie orale durant les périodes critiques de l'organogenèse. Après une exposition chronique à de faibles concentrations d'Arochlor 1254, on a observé un effet inhibiteur modéré, mais statistiquement significatif, sur le système immunitaire de singes rhésus, et ces effets pouvaient être dus à une altération de la fonction des lymphocytes T et/ou des macrophages. Le CIRC est arrivé à la conclusion que les preuves de la cancérogénicité des BPC chez les humains sont insuffisantes, mais qu'elles sont suffisantes chez les animaux expérimentaux. Les BPC sont donc classés parmi les agents cancérogènes probables pour les humains (Groupe 2A).

    Les BPC sont toxiques pour les organismes aquatiques, les valeurs de CL50 de 96 heures étant comprises entre 0,015 mg/L chez la tête-de-boule et 2,74 mg/L chez le crapet arlequin. Les têtes-de-boule ont été exposées à de l'Aroclor 1242, 1248 ou 1254 dans un essai biologique à eau circulante pendant 9 mois. La reproduction a eu lieu à des concentrations inférieures ou égales à 5,4 mg, mais avec des oedèmes et des hémorragies du sac vitellin.

    La toxicité aiguë des BPC est faible chez les oiseaux, les valeurs de CL50 de 5 jours étant comprises entre 747 mg/kg d'aliments chez la caille et >5 000 mg/kg chez plusieurs espèces. Des reproductrices de poulets à griller et des poules Leghorn soumises à un régime alimentaire renfermant de l'Aroclor 1242 pendant une semaine ont présenté un taux d'éclosion réduit des oeufs, et ces effets se sont poursuivis après la période d'exposition.

    Les données s'accumulent sur un lien entre les hydrocarbures aromatiques halogénés, tels les BPC, et des effets immunotoxiques et sur la reproduction chez la faune. Deux groupes de 12 phoques femelles (Phoca vitulina) ont été nourris avec des poissons provenant de la partie occidentale de la mer de Wadden ou de l'Atlantique du Nord-Est. Une analyse des résidus de BPC et de DDE a révélé des différences statistiquement significatives entre les deux régimes alimentaires. La dose journalière moyenne du groupe 1 était de 1,5 mg de BPC et de 0,4 mg de DDE, tandis que celle du groupe 2 était respectivement de 0,22 mg et de 0,13 mg. Après accouplement des femelles avec des mâles non exposés, on a montré que le succès de la reproduction était significativement plus faible chez le groupe 1. Des visons femelles nourries pendant 5 mois avec des saumons coho du lac Michigan renfermant entre 10 et 15 ppm de BPC qui constituaient 30 % de leur régime alimentaire n'ont pas réussi à mettre bas, comme celles qui avaient été soumises à un régime alimentaire renfermant 5 ppm d'Aroclor 1254. Les signes cliniques et les lésions observés chez les visons soumis à un régime alimentaire renfermant des saumons coho du lac Michigan comprenaient l'anorexie, des selles sanglantes, une stéatose hépatique, une dégénérescence des reins et des ulcères gastriques, des signes et des lésions semblables à ceux que présentaient les animaux soumis à un régime alimentaire renfermant des BPC.

    La dégradation des BPC dans l'environnement varie beaucoup en fonction du degré de chloration du biphényle, la persistance augmentant avec le degré de chloration. La demi-vie des BPC soumis à la photodégradation varie d'environ 10 jours pour les biphényles monochlorés à 1,5 an pour les biphényles heptachlorés. La persistance des BPC, alliée aux coefficients de partage élevés des divers isomères (log KOW compris entre 4,3 et 8,26) confère aux BPC les propriétés nécessaires pour être bioaccumulés dans les organismes. Des facteurs de bioconcentration de 120 000 et de 270 000 ont été signalés chez la tête-de-boule. Les facteurs de concentration chez des poissons exposés aux BPC dans leur régime alimentaire étaient plus bas que ceux des poissons exposés aux BPC dans l'eau, ce qui indique que les BPC sont bioconcentrés (captés directement à partir de l'eau) plutôt que bioaccumulés (captés à partir de l'eau et des aliments). Les propriétés chimiques des BPC (faible solubilité dans l'eau, stabilité élevée et semi-volatilité) favorisent leur transport sur de longues distances; des BPC ont été détectés dans l'air, l'eau et les organismes de l'Arctique.

    La principale source d'exposition de l'ensemble de la population est le régime alimentaire, notamment le poisson. Lors d'une enquête sur les graisses des animaux d'élevage en Ontario (Canada) entre 1986 et 1988, on a détecté des résidus de BPC dans 8,5 % des échantillons, les concentrations maximales mesurées étant de 0,30 mg/kg de graisse. Dans une enquête sur les aliments au Vietnam, les concentrations de BPC les plus élevées ont été détectées dans le poisson (760 ng/g de graisse) et les fruits de mer (1 400 ng/g de graisse). Les principales sources de BPC dans le régime alimentaire des Vietnamiens sont les céréales (notamment le riz) et les légumes; leur dose journalière de 3,7 mg/personne est comparable à celle de certains pays industrialisés. Une enquête sur les aliments en Inde a également révélé que le poisson renfermait les concentrations les plus élevées de BPC, soit en moyenne 330 ng/g de graisse. Là encore, les principales sources de la dose journalière de BPC (0,86 mg/personne) étaient les céréales et l'huile végétale.

    6.11 TOXAPHÈNE

    Propriétés chimiques

    Désignation chimique CAS : Toxaphène.

    Synonymes et noms commerciaux (liste partielle) : Alltex, Alltox, Attac 4-2, Attac 4-4, Attac 6, Attac 6-3, Attac 8, Camphechlor, Camphochlor, Camphoclor, Chemphene M5055, camphene chloré, Chloro-camphene, Clor chem T-590, Compound 3956, Huilex, Kamfochlor, Melipax,

    Motox, Octachlorocamphene, Penphene, Phenacide, Phenatox, Phenphane, Polychlorocamphene,

    Strobane-T, Strobane T-90, Texadust, Toxakil, Toxon 63, Toxyphen, Vertac 90%.

    No CAS : 8001-35-2; formule moléculaire : C10H10Cl8; poids formulaire : 413,82.

    Aspect : Solide cireux jaune à odeur rappelant le chlore ou les terpènes.

    Propriétés : Point de fusion : 65-90 NC; point d'ébullition : >120 NC (se décompose); KH : 6,3 x 10-2 atm ×m3/mol; log KOC : 3,18 (calculé); log KOW : 3,23-5,50; solubilité dans l'eau : 550 mg/L à 20 NC; pression de vapeur : 0,2-0,4 mm Hg à 25 NC.

    Le toxaphène est un insecticide de contact non systémique qui a surtout été utilisé sur le coton, les céréales, les fruits, les noix et les légumes. On l'a également utilisé pour lutter contre les acariens, y compris les tiques, chez le bétail. Le toxaphène est utilisé depuis 1949 et il a été l'insecticide le plus largement utilisé aux É.-U. en 1975. Le toxaphène est très peu soluble dans l'eau; sa demi-vie dans le sol peut atteindre 12 ans. On a montré qu'il peut être bioconcentré chez les organismes aquatiques et transporté dans l'atmosphère. Le toxaphène a été interdit dans 37 pays, dont l'Autriche, le Belize, le Brésil, la CE, la Corée, Costa Rica, l'Égypte, l'Inde, l'Irlande, le Kenya, le Mexique, le Panama, la République dominicaine, Singapour, la Thaïlande et le Tonga. Son usage a été sévèrement limité dans 11 pays, dont l'Afrique du Sud, l'Argentine, la Colombie, la Dominique, le Honduras, le Nicaragua, le Pakistan, la Turquie et le Venezuela.

    Vingt-cinq volontaires ont été exposés à environ 1 mg de toxaphène/kg de poids corporel/jour dans une pièce close où le toxaphène était diffusé sous forme d'aérosol, pendant 13 jours en tout. Un examen physique et des épreuves dans le sang et l'urine n'ont révélé aucun effet toxique. Dans une étude distincte, huit femmes travaillant dans un endroit où l'on avait pulvérisé du toxaphène à la dose de 2 kg/ha ont présenté une fréquence plus élevée d'aberrations chromosomiques (fragments acentriques et échanges de chromatides) que des sujets témoins. Un examen physique annuel de 137 travailleurs oeuvrant dans la fabrication du toxaphène n'a révélé aucun effet nocif lié à l'exposition. Par ailleurs, une enquête sur la mortalité chez 199 employés qui avaient été exposés à du toxaphène dans le cadre de leur travail a révélé qu'aucun décès ne semblait directement lié à l'exposition.

    La toxicité orale aiguë du toxaphène est comprise entre 49 mg/kg de poids corporel chez le chien et 365 mg/kg chez le cobaye. Dans une étude sur 13 semaines, des rats ont reçu du toxaphène dans leur régime alimentaire. On a observé une augmentation du ratio poids du foie/poids corporel et de l'activité des enzymes microsomales hépatiques chez les rats ayant reçu 500 ppm de toxaphène dans leur régime alimentaire. On a observé des changements histologiques liés à la dose dans les reins, la thyroïde et le foie. La CSENO déterminée était de 4,0 ppm (0,35 mg/kg). Dans une autre étude, des chiens beagle ont reçu du toxaphène dans leur régime alimentaire pendant 13 semaines. Les chiens qui ont reçu 5,0 mg/kg ont présenté une augmentation du ratio poids du foie/poids corporel et de la phosphatase alcaline sérique. On a observé des changements histologiques légers à modérés en fonction de la dose dans le foie et la thyroïde. La CSENO déterminée chez le chien était 0,2 mg/kg. Des rats mâles et femelles ont reçu du toxaphène dans leur régime alimentaire pendant 13 semaines dans une étude de la reproduction sur une seule génération avec deux portées. Les effets sur les adultes de la F0 et de la F1 à des concentrations de 20 et de 500 ppm comprenaient une augmentation du poids du foie et des reins, ainsi que des changements histologiques au niveau de la thyroïde, du foie et des reins. Le CIRC est arrivé à la conclusion que les preuves de la cancérogénicité du toxaphène chez les humains sont insuffisantes, mais qu'elles sont suffisantes chez les animaux expérimentaux. Le CIRC a classé le toxaphène parmi les agents cancérogènes probables pour les humains (Groupe 2B).

    Le toxaphène est essentiellement non toxique pour les plantes. En général, des effets toxiques ont été observés uniquement à des concentrations beaucoup plus élevées que la dose recommandée. Le toxaphène est très toxique pour les poissons, les valeurs de CL50 de 96 heures étant comprises entre 1,8 mg/L chez la truite arc-en-ciel et 22 mg/L chez le crapet. Des truites de mer exposées à du toxaphène pendant 90 jours ont présenté une réduction de poids de 46 % à la concentration de 0,039 mg/L, la concentration la plus faible utilisée. La viabilité des oeufs chez la truite femelle était significativement réduite après une exposition à une concentration de 0,075 mg/L ou plus. Une exposition à long terme à 0,5 mg/L a réduit la viabilité des oeufs à zéro. Des femelles de faisan à collier exposées à 300 mg de toxaphène/kg d'aliments ont présenté une réduction de la ponte et du taux d'éclosion.

    La demi-vie du toxaphène dans le sol varie de 100 jours à 12 ans, selon le type de sol et le climat. Cette persistance, alliée à un coefficient de partage élevée (log KOW ' 3,23-5,50), indique que le toxaphène est susceptible d'être bioconcentré. On a signalé des facteurs de bioconcentration de 4 247 chez le gambusie et de 76 000 chez la truite de mer. Les propriétés chimiques du toxaphène (faible solubilité dans l'eau, stabilité élevée et semi-volatilité) favorisent son transport sur de longues distances; on a détecté du toxaphène dans l'air de l'Arctique. C'est l'alimentation qui est la voie d'exposition la plus probable de l'ensemble de la population, mais les concentrations détectées sont en général inférieures à la limite maximale de résidu. Étant donné que le toxaphène a été interdit dans de nombreux pays, on n'en a pas tenu compte généralement dans les dernières enquêtes sur l'alimentation, d'où l'absence de données de surveillance récentes.

  3. CONCLUSIONS